Actuellement en cours, la 20e campagne de peinture de la tour Eiffel sera non seulement la plus chère mais probablement aussi la plus inefficace de l’histoire du monument. Selon nos sources, le symbole de Paris est très mal en point. Depuis 2010, plusieurs rapports confidentiels dont « Marianne » détient des copies mettent en garde sur les défauts de maintenance et l’ampleur des dégradations.
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Dès 2008, l’entreprise Expiris, avec à sa tête Bernard Giovannoni, un expert judiciaire, voit apparaître les premiers défauts « sur le film de peinture ». À la même époque, le chef du service « structure » de la tour commande un audit complet auprès de la société Dekra. Le rapport de synthèse tombe le 20 février 2010. Il est préoccupant. Le document passe tout en revue : les fondations, la peinture, la corrosion.
À cette date, l’état de la peinture (1,3 mm d’épaisseur en moyenne) est encore jugé satisfaisant : « Les systèmes de peinture appliqués à ce jour sont bien adaptés », écrit le rapport, qui met néanmoins en garde sur des défauts de maintenance.
« Pendant 120 ans, la tour a subi les assauts du temps, les intempéries, des incidents de toute nature, des surcharges, des incendies, des transformations lourdes. Aujourd’hui, cette ossature métallique doit faire l’objet de toutes les attentions et bénéficier d’une surveillance exhaustive. »
Le rapport Dekra déplore un total manque de suivi. « La Sete doit porter un regard différent sur la tour Eiffel et réétudier dans son ensemble une nouvelle politique de maintenance axée sur le contrôle de la structure métallique vieillissante », conclut le document, qui suggère, en outre, au service « structure » de soigner ses archives « afin d’éviter de renouveler des situations d’urgence telles que celles vécues dans les années 1980 ».
Dans un premier temps, la Sete réagit. De nouvelles études sont commandées à Expiris concernant la surveillance de la peinture. En 2014, les résultats d’Expiris sont mauvais. Très mauvais. Un document de juillet 2014, intitulé « Synthèse sur la tenue des anciens fonds de peinture », tire le signal d’alarme.
Des phénomènes d’écaillage, de craquelage, de cloquage, d’enrouillement sont repérés un peu partout sur le monument. Ce n’est pas nouveau, même si cette fois la vitesse à laquelle la rouille s’est étendue surprend l’expert judiciaire Bernard Giovannoni. « Cela faisait plusieurs années que je travaillais sur la tour, confie-t-il aujourd’hui.
En 2014, j’estimais qu’il y avait grande urgence à s’attaquer à la corrosion. » D’autant que les essais d’adhérence des couches effectués par Expiris se révèlent catastrophiques. « En dessous des normes », signale le rapport.
Selon les estimations de 2014, seulement 10 % de la peinture de la tour « tient ».
Trop de couches de peinture ont été superposées, et la dégradation en surface a été rapide. « C’est simple à comprendre explique un expert. Les dernières couches ont trop tendu les couches précédentes, et la peinture craquelle et s’écaille partout. »
En clair, depuis 2014, la Sete sait que la surface de la tour Eiffel s’effrite. « Elle est devenue très friable, si on marche dessus, elle casse, et joue donc de plus en plus mal son rôle protecteur » confirme une source interne. « C’est hélas exact, mais les couches anciennes sont solides pondère une autre, et continuent heureusement de protéger le métal à de nombreux endroits. » Mais pour combien de temps ?
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