Le sommet du G7 à Elmau, en Allemagne, du 26 au 28 juin, et le sommet de l’OTAN à Madrid, en Espagne, deux jours plus tard, n’ont été d’aucun utilité pour résoudre les crises mondiales en cours – la guerre en Ukraine, les famines imminentes, le changement climatique et plus encore. Ces deux événements n’en ont pas moins été importants, car ils ont illustré l’impuissance de l’Occident, dans un contexte d’évolution rapide de la dynamique mondiale.
L’entêtement actuel des dirigeants occidentaux à maintenir des milliers de sanctions contre la Russie, à poursuivre l’expansion de l’OTAN, à déverser encore plus d’ « armes létales » en Ukraine et à maintenir leur hégémonie mondiale à tout prix, a encore fait chuter la crédibilité de l’Occident, déjà bien entamée avant la guerre.
Toutefois, si les diktats américains ont fonctionné par le passé, c’est que, contrairement au contexte géopolitique actuel, peu de peuples osaient s’opposer à Washington.
Les temps ont changé. La Russie, la Chine, l’Inde, ainsi que de nombreux autres pays d’Asie, du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Amérique du Sud s’efforcent par tous les moyens de se libérer de la domination asphyxiante de l’Occident. Ces pays ont clairement fait savoir qu’ils ne s’associeraient pas aux tentatives d’isolement de la Russie pour servir l’agenda expansionniste de l’OTAN.
Alors que l’OTAN persiste dans sa volonté d’expansion pour prouver sa permanence et son unité, c’est l’ordre mondial alternatif dirigé par la Russie et la Chine qui mérite toute notre attention.
Selon le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, Pékin et Moscou s’emploient à développer le club des BRICS, qui regroupe les principales économies émergentes, afin de faire contrepoids au G7. Le journal allemand a raison. Le dernier sommet des BRICS, qui s’est tenu le 23 juin, a été conçu comme un message à l’intention du G7 : l’Occident n’est plus aux commandes, et la Russie, la Chine et le Sud se préparent à une longue lutte contre la domination occidentale.
Dans son discours au sommet des BRICS, le président russe Vladimir Poutine a proposé la création d’une « monnaie de réserve internationale basée sur le panier de devises de nos pays ».
CELA MONTRE BIEN QUE LES BRICS COMMENCENT A SE CONSIDERER COMME UN CONCURRENT DIRECT DU G7.
Le fait que l’Argentine et l’Iran soient candidats à l’adhésion aux BRICS montre également que l’alliance économique est en train de se transformer en une entité politique, voire géopolitique. La lutte mondiale qui s’annonce est peut-être la plus importante depuis la Seconde Guerre mondiale.
Alors que l’OTAN continuera de se battre pour sa pertinence, la Russie, la Chine et d’autres pays investiront dans diverses infrastructures économiques, politiques et même militaires, dans l’espoir de créer un contrepoids stable et pérenne à la domination occidentale. L’issue de ce conflit façonnera l’avenir de l’humanité.
LA QUESTION EURASISTE
la question eurasiste remonte bien au-delà du début du XXème siècle. Il s’agit d’un dilemme ancrée dans l’Histoire russe, qui remonte à l’époque des Grand-princes moscovites (du XIVè au XVIè siècle), avant la naissance de l’empire russe.
Cette problématique part du postulat que la Russie (sous toutes ses formes politiques : Grande-principauté, empire, Union soviétique ou Fédération) se trouve à cheval entre deux continents, elle appartient donc aux deux continents mais n’est intégré à aucun d’entre eux. Le fait d’avoir les trois quarts du territoire en Asie a été, depuis le XVIIIè siècle, un frein à l’intégration culturelle, puis politique en Europe. C’est à partir de ce constat que des politiciens puis des géopoliticiens ont développé l’eurasisme, afin de trouver une alternative au choix entre l’Europe et l’Asie.
Le néo-eurasisme se présente comme une troisième voie géopolitique entre l’Asie et l’Europe, mais aussi comme une autre voie idéologique, mettant en valeur la religion, les traditions et allant contre le libéralisme et l’Occident.
Les BRICS en sont la réalité.
Le président Poutine qui pourtant s'inspire de Pierre le Grand revoit sa participation au modèle Européen. De nombreux accords d'alignement de la Russie sur les normes Européennes sont résiliés. La Russie ne veut pas de l'alignement Européen-Atlantiste et des modèles libéraux wokiste.
Les Russes considèrent que les relations bilatérales que leur pays entretient avec tel ou tel État membre sont excessivement subordonnées à ses relations avec l'Union européenne. Ils le regrettent, en particulier en matière de politique étrangère.
L’Union européenne tente depuis longtemps de se positionner comme puissance normative (normative power), transférant à l’Est les normes et valeurs qui lui semble bonnes sans se préoccuper des valeurs Russes.
L’Union Européenne, également désireuse de promouvoir des pratiques de gouvernance, un modèle économique de marché, se conduit à s’engager dans l’exportation unilatérale de ses normes dans le cadre de relations bilatérales asymétriques avec la Russie sur la base d’une revendication d’application universelle de ses valeurs et de son système de gouvernance.
l’Union européenne souligne sa volonté d’agir en tant que guide et impose normes et règles de manière unilatérale.
La Russie a graduellement stipulé son désir d’être perçue comme une puissance indépendante disposant d’intérêts propres au niveau international, d’être traitée comme un partenaire égal par l’Europe, et non plus comme simple sujet de l’influence civilisatrice européenne.
La Russie rejette ce qu’elle considéré comme des leçons infantilisantes émises par l’Union européenne et justifie son action par des références à l’importance de son intégrité territoriale et exige le respect de sa souveraineté dans le traitement des affaires internes.
l’Union européenne juge la Russie via son biais normatif décidé par Bruxelles sans même respecter l'avis de certains de ses membres.
le Russie à toujours concédé à l'Europe là ou celle-ci à eu une approche institutionnaliste ultra libérale ne respectant pas l'approche Russe.
la notion de « démocratie souveraine » qui soulignait l’importance de respecter le sentiment d’unicité de la Russie dans les domaines historique et géopolitique, ainsi que son indépendance dans le choix de sa propre voie (c’est-à-dire de formuler l’interprétation qu’elle souhaitait de la signification du terme de « démocratie », entraînant Moscou a adopter un modèle de démocratie dit « artificiel »)
Au moment où certains pays européens commençaient à adopter une attitude plus pragmatique envers Moscou, l’Union dans son ensemble ne parvenait pas à revoir ses attentes quant à sa capacité à changer les vues normatives de Moscou et à prendre en compte les critiques de la Russie. En effet, Moscou a souligné à de nombreuses reprises les incohérences entre les discours normatifs et certaines des actions de l’Union qui semblaient être motivées par des intérêts tangibles et en contraste avec ses engagements normatifs.
La Russie a par exemple pointé du doigt la minimisation relative des engagements et des attentes normatives de l’Union européenne dans sa relation avec les pays nord-africains en comparaison avec la politique orientale de Bruxelles.
Dans le discours de la Russie, cela constitue une preuve que l’Union utilise la promotion de certaines normes afin de promouvoir des intérêts particularistes par l’imposition de ses règles de gouvernance. Tandis que les contradictions et incohérences dans les actions et discours de l’Union (entre ses engagements normatifs et la poursuite de ses intérêts)sont évidents dans certains cas, celle-ci refuse d’accepter de n’être pas uniquement un acteur « post-géopolitique ».
l’Union persiste néanmoins à se présenter comme une autorité morale et à soutenir ses revendications d’exceptionnalisme, présentant la Russie comme un acteur inférieur.
La Russie éprouve un ressentiment lié au fait que l’Union européenne n’accepte pas pour la Russie un droit de veto sur certaines sphères de la politique européenne, notamment lorsque la Russie tente de mettre en avant l’idée d’un conseil UE-Russie fondé sur une « égalité » des parties.
l’Union européenne a été incapable de repenser son autoreprésentation dans ses relations avec Moscou et de considérer que son approche pouvait être tenue pour un défi géopolitique vu de Moscou. Cette incapacité européenne a contribué à une transformation des relations avec la Russie d’un état de partenariat à une rivalité.
Il est grand temps pour elle de prendre en compte ses erreurs passées afin d’être en mesure d’établir les termes de sa relation présente et future avec la Russie.