L’accord sur les céréales expire le 18 mars. Selon la diplomatie russe, sa reconduction dépend notamment de la réalisation du mémorandum entre la Russie et l’Onu concernant la suppression des restrictions qui entravent l’exportation de produits agricoles et d’engrais russes sur les marchés mondiaux.
Il s’agit d’engrais qui sont indispensables pour la sécurité alimentaire, plus particulièrement en Afrique, et dont le retour sur les marchés mondiaux se heurte à plusieurs obstacles.
Vsevolod Sviridov, expert du Centre d’études de l’Afrique à la High School of Economics (HSE) de Moscou, estime cependant que les choses commencent à bouger.
Il y a quelques jours, des engrais ont été livrés au Malawi via le Mozambique. Les efforts conjoints de Moscou et de l’Onu portent quelques fruits.
"Le problème s’aggrave du fait des sanctions personnelles contre les propriétaires des principales sociétés russes qui exportent les engrais, à savoir Uralchem, EuroChem et Rusagro. Les sociétés logistiques occidentales ne travaillent pas avec elles", indique l’expert. "Malgré les sanctions, la dynamique est positive. J’espère qu’elle se maintiendra."
Prévisions optimistes
En ce qui concerne l’avenir de l’accord sur les céréales, l’expert pense qu’il sera reconduit.
"Les Africains qui sont les principaux destinataires des denrées alimentaires ne le critiquent pas. Il leur convient… Plus encore, nous pouvons nous attendre à l’extension des produits qu’il concerne. Je pense que l’accord sera prorogé et pour longtemps."
Les concurrents ne dorment pas
M.Sviridov rappelle cependant que les concurrents occidentaux utilisent activement dans leurs intérêts les problèmes des exportations russes. Notamment, les Américains qui ont débloqué 2,5 milliards de dollars après le sommet États-Unis-Afrique, ou les Français avec leur initiative FARM pour la sécurité alimentaire des pays vulnérables.
"Quoi qu’il en soit, la Russie continue de presser les Français sur les marchés. Mais la concurrence ne disparaîtra pas."
Selon Maya Nikolskaïa, chercheur à l’institut d’études internationales de l’université MGIMO, le problème de la sécurité alimentaire est extrêmement politisé, surtout depuis 2022.
Un fait rassurant est venu distendre la situation: une première tranche d’engrais, 20.000 tonnes, a été livrée dans un port mozambicain pour un transfert au Malawi. L’économie de ce pays dépend énormément des exportations de tabac, c’est pourquoi la livraison des engrais est pour le Malawi une question de vie ou de mort.
Cela concerne également de nombreux autres pays africains.
Risque de sous-alimentation
"Les statistiques de l’Onu et des experts internationaux relatives à la vulnérabilité des pays africains en termes de fournitures de blé depuis le début de l’opération militaire spéciale russe montrent que plus de la moitié des 10 pays les plus concernés sont des pays africains. Ce sont la Somalie, l’Égypte, le Soudan, la République démocratique du Congo, le Sénégal et la Tanzanie", signale l’experte.
Elle estime que si la situation continue d’évoluer de la même façon dans une année ou deux un Africain sur cinq ne mangera pas à sa faim.
"Tel est le risque de la non-prorogation de l’accord céréalier."
De l’avis de Mme Nikolskaïa, la Russie et les Occidentaux ne parviennent pas à trouver des points de convergence sur la sécurité alimentaire parce que les Occidentaux interprètent la sécurité alimentaire africaine d’une façon différente. Leur interprétation ayant été exprimée lors du sommet États-Unis-Afrique en décembre 2022.
"L’idée qui passe en filigrane veut que l’Afrique diversifie ses fournisseurs et partenaires lui livrant deux catégories de produits: les céréales et les engrais… Une campagne médiatique massive a été lancée en Occident pour accuser Poutine et la Russie de la famine dans le monde", signale Maya Nikolskaïa, ajoutant que la campagne s’est soldée par un échec.