«Attentat», «terrorisme», «islam radical», «laïcité», «caricature», «dessin de presse», «liberté d'expression», «Charlie Hebdo»… Autant de termes qu'il aurait peut-être fallu expliciter avant d'entamer dans les établissements scolaires une minute de silence en hommage aux douze personnes assassinées le 7 janvier à Charlie Hebdo.
L'exercice n'a pas toujours été un exercice facile dans les écoles, collèges et mêmes lycées. Prévisible, selon les enseignants exerçant sur ces territoires où les tensions religieuses sont vives. Certains, d'ailleurs, ont préféré éluder ce moment, pour éviter tout trouble. «Impossible d'engager un débat sur le sujet», explique un professeur de philosophie de l'Essonne. Ces minutes ont même parfois dérapé. «Je te bute à la kalach», a lancé à Lille un élève de quatrième à son enseignante, pendant cette minute de silence.
Vertus de la pédagogie
Dans une école élémentaire de Seine-Saint-Denis, pas moins de 80 % des élèves d'une classe ont refusé cette minute de silence. «Certains reproduisent des discours complotistes», explique l'enseignant qui, à force de discussion, a finalement convaincu la moitié d'entre eux.
«Je te bute à la kalach»
À l'image de ce qui s'est joué sur les réseaux sociaux, avec des réactions de soutien aux terroristes, certains élèves ont aussi fait entendre leurs convictions. «Mais vous ne comprenez pas, le Prophète, ils n'auraient pas dû le dessiner (…). Il est au-dessus des hommes», a lancé une élève de sixième à son professeur. Un élève d'une enseignante de français dans le XIIIe arrondissement de Paris l'a interpellée en ces termes: «Madame, c'est possible que je ne fasse pas la minute de silence? Je ne veux pas me recueillir pour des gens comme ça.» Un autre lui a lancé: «Ils l'ont bien cherché. On récolte ce que l'on sème à force de provoquer.» Dans cette classe de troisième comptant 26 collégiens, huit ont rejeté la décision de décréter un jour de deuil national. Dans un collège de Roubaix, un rassemblement de 400 élèves a été dominé par un «grand bourdonnement» et les réflexions de certains qui «ne comprenaient pas bien à quoi ça servait», rapporte un enseignant. Sur son compte Facebook, une prof narre la difficile journée de jeudi, expliquant vouloir demander sa mutation. Elle raconte avoir été accueillie à 8 heures par des «Moi j'suis pour ceux qui l'ont tué»…
«Ce qui m'a plus étonné, c'est que tant d'élèves ne savaient même pas ce qui s'était produit», raconte sur Twitter cet enseignant de banlieue parisienne. À la fin des cours, quelques élèves restent et lui demandent: «M'sieur, on peut voir des dessins de Charlie Hebdo? Personne ne veut nous en montrer.» Beaucoup en effet ont découvert le journal et les caricatures de ce funeste 7 janvier. L'enseignant leur a donc montré quelques dessins, dont le «C'est dur d'être aimé par des cons», représentant Mahomet. «Moi, ma mère dit qu'ils l'avaient bien cherché», lui glisse un élève.
Dans d'autres classes, des élèves de confession musulmane se sentaient gênés, racontent des enseignants. Dans l'Isère, un jeune homme de 17 ans, originaire d'un pays du Maghreb, a été frappé par un groupe de quatre ou cinq personnes à Bourgoin-Jallieu, en marge de la minute de silence, dans son lycée.
vu sur : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/01/09/01016-20150109ARTFIG00338-ces-minutes-de-silence-qui-ont-derape-dans-les-ecoles.php