À l’occasion du colloque de ce mardi sur les défis de la compétitivité, réunissant un grand nombre d’acteurs de l’économie française et européenne, «20 minutes» revient sur les éléments de réponse qui y ont été apportés…
Par Bertrand de Volontat
La France perd des parts de marché, son chômage et son déficit grimpent. Le déficit commercial est de 69,59 milliards d’euros, preuve que les entreprises hexagonales peinent sur le marché global. La réforme de la taxe professionnelle et du crédit impôt recherche ne suffisent pas. La propostion de TVA sociale coince, une mesure que Michel Sapin, député PS, considère à 25% juste. «Il n’y aura pas de reprise ni de création d’emploi sans réforme», affirme Maurice Levy, président de Publicis Groupe, en introduction du colloque sur «les défis de la compétitivité», organisé par l’Afep, l’association française des entreprises privées, dont il est aussi président, et par le quotidien Le Monde, ce mardi.
Et plus que de copier le modèle allemand (réformes sur vingt ans de la sécurité sociale, du marché du travail, de la fiscalité), Gerhard Cromme, président du conseil de surveillance de Thyssen Krupp et de Siemens, prend pour exemple le «modèle scandinave».
La France a des atouts mais voici ses handicaps
Comme le rappelle Mario Draghi ce mardi: «La compétitivité est un enjeu majeur pour l’Europe et chaque pays membre» et pour la sortie de crise. La compétitivité repose sur un certain nombre d’éléments qui doivent être remplis afin qu’elle se mette en route. Et il ne s’agit pas seulement du «produire en France»… Voici ces éléments.
Restaurer l’industrie. Contraire à l’idée reçue qu’une période de désindustrialisation ou de post-industrialisation est synonyme de réussite et de croissance. L’emploi industriel ne représente plus que 12% de l’emploi en France. Le consensus reste que la France ne peut pas être un leader dans tous les domaines. Elle doit choisir une ou deux spécialisation et s’y tenir. L’industrie est le socle de la compétitivité française.
Aider les PME. Les très petites entreprises, les petites et moyennes entreprises, les établissements de taille intermédiaire sont les premières victimes du ralentissement de la compétitivité. Leur financement et leur soutien par l’Etat et/ou les grandes entreprises est une des clés de la relance de la compétitivité. Sous-traitants, ou sous-traitants de seconde zone, souvent pour des entreprises plus importantes, les PME doivent également être épargnées par les rapprochements stratégiques. Et chaque intervenant d’insister sur le fait que les grandes entreprises sont indispensables à la France. Sans les diaboliser. Patrick Kron, PDG d’Alstom, estime qu’«il est dommageable d’opposer les grandes entreprises et les PME, Alstom fait travailler 7.000 entreprises françaises».
Créer des partenariats entre les patronats et les syndicats. Une loi ne devrait plus être ratifiée sans qu’elle n’ait été préalablement validée par un échange entre patronats et syndicats, assure Jean-François Chérèque, secrétaire général de la CFDT. Et Parisot, présidente du Medef, d’ajouter: «le modèle allemand est exemplaire sur le dialogue social, mais le modèle français est moins mauvais que ce que l’on dit». «L’Etat doit laisser plus de place et de responsabilité aux partenaires sociaux», note-t-elle.
Accélérer l’innovation. Au même titre que l’innovation sociale, précise Jean-François Chérèque. L’innovation doit être relancée. Les «crédits impôts recherche» et la fiscalité favorisent déjà aujourd’hui le développement de l’innovation française ou étrangère sur le territoire hexagonale, mais celle-ci doit être une priorité. La R&D est souvent sacrifiée par les entreprises qui ne génèrent plus suffisamment de bénéfices du fait de la concurrence internationale.
Améliorer la compétitivité-coût. Les coûts salariaux unitaires sont en baisse, à contre courant de ceux de la zone euro, et la France a perdu de sa compétitivité coût durant la crise. Il s’agit donc de redonner à la France vis-à-vis de ses partenaires européens un marché de poids. Laurence Parisot ajoute que la compétitivité-prix et même la compétitivité-psychologie doivent également être placées au cœur des débats.
Le coût du travail. Une des problématiques sur lesquelles s’opposent les candidats à la présidentielle. Les cotisations sociales pèsent-elles réellement sur la compétitivité? L’allégement des charges iraient-elles dans le sens d’un soutien de l’emploi? Autant de questions auxquelles les politiques tentent de répondre. La TVA sociale est l’une réponse au coût du travail pour l’un des candidats.
Améliorer la flexibilité du marché. Le président de la BCE Mario Draghi estime que des rigidités empêchent encore les produits européens d’être compétitifs. La rigidité du marché du travail est retenue par Maurice Levy comme axe essentiel de réflexion. Une flexibilité prônée également par Gerhard Cromme qui précise que «la flexibilité du marché du travail allemand a fortement contribué au redressement.»
Protéger l’Europe des règles du jeu mondiales via une concurrence équitable. «Le protectionnisme serait une catastrophe absolue», rappelle Patrick Kron, PDG d’Alstom qui note toutefois que les entreprises françaises et européennes doivent être protégées afin de pouvoir faire jeu égal avec celles des pays émergents. Ce dernier se dit par ailleurs favorable au «Buy European Act», proposé par Nicolas Sarkozy. «Il faut être compétitifs ensemble», rappelle Laurence Parisot, présidente du Medef. Et Mario Draghi de s’exprimer sur ce point: le défi des pays de l’UE est d’être doublement compétitifs, à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE.
Ouvrir le système éducatif sur le professionnel. La lutte contre l’échec scolaire, qui représente aujourd’hui plus de 100.000 jeunes sortants du système scolaire sans qualification, est une étape incontournable. L’industrie doit être un bassin d’emplois et la formation dès le plus jeune âge est une voie de spécialisation précieuse pour la compétitivité française.
Selon Philippe Aghion, économiste et professeur à Harvard, le futur Président devra réformer l’éducation primaire (améliorer nos scores au test Pisa), réhabiliter et financer l’industrie et rendre l’Etat impartial dès lors qu’il s’agit de ciblage. Il fait notamment référence au triangle de (Mario) Monti: rigueur, croissance, justice. Il conclut que la France aurait besoin d’un choc d’offres, soit une modification importante et inattendue des conditions de la production qui ont des conséquences sur la production, les prix et l’emploi. Un choc d’offres possiblement créé par l’un de ces facteurs.
mots clefs : Baudouin Prot (BNP Paribas), Laurence Parisot (présidente du Medef) et Jacques Aschenbroich (Valeo)