Avec son projet de limiter les remboursements des couvertures santé des entreprises, le gouvernement prend le risque de susciter une véritable grogne chez les salariés.
Le gouvernement est-il en train de jouer les pyromanes sur la couverture santé d’entreprise ?
Le monde de la « collective santé » se pose la question et certains vont même jusqu’à prédire des négociations sous haute tension, alors que jusqu’à présent, celle que les salariés appellent « la mutuelle » fait l’objet d’un réel consensus entre employeurs et syndicats. Et pour cause, les dirigeants ont toujours rechigné à revoir à la baisse les remboursements complémentaires à la Sécurité sociale, qu’ils cofinancent en moyenne à plus de 50 %. Aidés en cela par des exonérations de charges sociales qui rendent moins coûteux d’améliorer la prise en charge des lunettes que d’accorder quelques euros supplémentaires sur la fiche de paie.
D’ici à la fin de l’année, ces mêmes employeurs risquent pourtant bien de devoir réduire sensiblement le niveau de ces prestations.
Des économies réalisées « à l’insu de leur plein grès » puisqu’elles ne seraient que la conséquence…d’une réforme voulue par le gouvernement. Du moins si cette dernière est mise en œuvre selon les grandes lignes présentées début mars aux aux représentants des différentes familles d’organismes complémentaire santé (mutuelles, compagnies, institutions de prévoyance).
Pour résumer une affaire affreusement technique, la ministre de la Santé a décidé de mettre bon ordre dans les remboursements des complémentaires santé. Et pour ce faire d’actionner la seule arme à sa disposition pour intervenir sur une activité privée : la fiscalité. A compter du 1er janvier 2015, les conditions pour bénéficier du label contrat responsable et de sa fiscalité réduite doivent être considérablement renforcées,avec l’introduction de « planchers » et de « plafonds » dans les remboursements.
L’objectif est simple : éviter que nos concitoyens soient amenés à renoncer à se faire soigner pour des raisons financières, étant entendu que l’assurance maladie complémentaire prend en charge une part significative des soins.
Les « planchers » sont ainsi censés réduire les restes à charge pour les patients et les « plafonds » brider les dépassements de tarifs de certaines professions du monde de la santé, notamment celles qui ont pris la mauvaise habitude de calquer leur facture sur le niveau maximum de remboursement des complémentaires. Une vraie révolution, passée totalement inaperçu du grand public lors de son adoption l’automne dernier alors même qu’elle concerne tout à chacun dans son quotidien. Selon les statistiques du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (Hcaam), 96 % de la population est couverte par une assurance santé, qui dans 94 % des cas est « responsable ».
Il est vrai que la réforme restait floue tant que ces fameux minima et maxima n’étaient pas définis, en l’occurrence par un décret.
On y voit désormais donc un peu plus clair avec la présentation des pistes de travail des pouvoirs publics, qui entendent principalement limiter les remboursements des lunettes et les dépassements d’honoraires des médecins. Le Centre techniques des institutions de prévoyance (Ctip), qui représente ces organismes non lucratifs gérés par les syndicats et le patronat, et la Chambre syndicale des courtiers d’assurances (CSCA) se sont immédiatement alarmés d’une révision à la baisse de la couverture santé des salariés. Pas vraiment convaincus que cette « régulation » conduira à réduire les tarifs des prestations médicales.
On ne pourrait y voir que la défense d’intérêts commerciaux.
Les institutions de prévoyance comme les courtiers sont très présents dans les couvertures d’entreprise, qui seraient les premières touchées par cette réforme car généralement plus avantageuses dans leurs remboursements que les couvertures souscrites individuellement. Si ce n’est que certains employeurs s’inquiètent également de l’impact sur le dialogue social des projets du gouvernement.
Comment expliquer aux salariés qu’il leur faut accepter une révision à la baisse de leur « mutuelle » qu’ils ne manqueront pas d’analyser comme une perte de pouvoir d’achat ?
Et le calendrier ne devrait pas leur faciliter la tâche des DRH : la renégociation des couvertures d’entreprise devrait intervenir au moment où ces mêmes salariés risquent de se rendre compte de l’impact sur leur feuille d’impôt 2014 d’une disposition, elle aussi largement passée inaperçue : la réintroduction dans leur revenu imposable 2013 des sommes consacrées par l’employeur au financement de leur couverture santé.
Plus d’impôt et moins de remboursements :
le cocktail parait effectivement socialement explosif… et pas vraiment de nature à réconcilier le Parti socialiste avec un monde du travail qui l’a largement rejeté lors de ce premier tour des municipales.
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