24 août 2012
02:29
Sur le papier, le fisc français dispose de moyens efficaces de surveillance des contribuables les plus aisés. Dans la réalité, l'administration brille surtout par son inefficacité.
Dans son rapport annuel 2012, publié en février, la Cour des comptes ne disait pas autre chose. Selon elle, «la DNVSF présente des résultats décevants et n'est pas en situation d'exercer un contrôle efficace des contribuables les plus fortunés». La haute juridiction pointait même «une baisse du rendement du contrôle, après une forte croissance au début des années 2000». En 2000, le prestigieux service a ainsi «rappelé» un montant d'impôts et de pénalités de 320 millions d'euros. Un magot qui a explosé à quelque 500 millions entre 2002 et 2004, pour revenir à un peu plus de 300 millions en 2010.
UN EFFORT INSUFFISANT
Dans son combat, la DNVSF dispose d'une arme redoutable : l'ESFP. Quatre lettres pour désigner l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle. Il offre aux vérificateurs un pouvoir coercitif considérable qui, ailleurs en Europe, nécessite l'autorisation d'un juge. Objectif : contrôler la cohérence entre les revenus déclarés par un contribuable et son patrimoine, sa trésorerie et son train de vie.
La DNVSF peut elle-même se saisir d'un dossier qui lui paraît équivoque. Si un sportif de haut niveau lui annonce qu'il va s'établir à Gstaad, coquette station helvétique, libre à elle d'enquêter pour vérifier si l'heureux exilé a réellement son rond de serviette au pied des pistes alpines. Les cent quatre-vingt-trois jours de résidence avérée sur place sont «un mythe», s'amuse le vérificateur, «le plus important, avant même le séjour, c'est le foyer». Autrement dit, si ses enfants sont scolarisés à Paris et qu'il a réglé Porsche et hélico dans l'Hexagone, ses six mois de résidence en Suisse ne feront pas le poids.
De même, si la DNVSF s'avise qu'un contribuable ne déclare que 50 000 € alors qu'il pilote une kyrielle d'entreprises et réside dans un château en province, elle a tout loisir d'enquêter pour déterminer s'il perçoit des revenus occultes ou vit, à coups d'abus de biens sociaux, sur le dos de ses sociétés. Mais le principal pourvoyeur d'affaires reste la Direction nationale des enquêtes fiscales (Dnef). Chaque année, la DNVSF instruit plusieurs centaines de dossiers. Insuffisant, juge pourtant la Cour des comptes, qui déplore des contrôles «limités». Selon ses calculs, «la probabilité pour un contribuable fortuné d'être contrôlé en ESFP est d'une fois tous les quarante ans».
Les résidents fiscaux français sont obligés de fournir la liste de leurs comptes bancaires à l'étranger. Une dissimulation est sanctionnée par une amende de 1 500 € par compte non déclaré, amende qui passe à 10 000 € si le compte a été ouvert dans un paradis fiscal avec lequel la France n'a signé aucune convention. Face à un refus d'obtempérer, le vérificateur peut lancer une demande d'assistance administrative aux pays coopératifs, régis par des conventions fiscales.
Si ces pouvoirs paraissent énormes sur le papier, dans la réalité, les nantis ont pourtant mille façons de contourner l'ESFP, murmure-t-on Rue de Saussure. En première ligne, les paradis fiscaux qui, malgré les déclarations enthousiastes de Nicolas Sarkozy en 2008, sont loin d'avoir disparu. Ainsi de la Suisse, témoigne notre vérificateur, «où, en dépit de la signature de conventions, les autorités fiscales rechignent toujours à fournir les noms des titulaires des comptes bancaires».
De même, si la DNVSF s'avise qu'un contribuable ne déclare que 50 000 € alors qu'il pilote une kyrielle d'entreprises et réside dans un château en province, elle a tout loisir d'enquêter pour déterminer s'il perçoit des revenus occultes ou vit, à coups d'abus de biens sociaux, sur le dos de ses sociétés. Mais le principal pourvoyeur d'affaires reste la Direction nationale des enquêtes fiscales (Dnef). Chaque année, la DNVSF instruit plusieurs centaines de dossiers. Insuffisant, juge pourtant la Cour des comptes, qui déplore des contrôles «limités». Selon ses calculs, «la probabilité pour un contribuable fortuné d'être contrôlé en ESFP est d'une fois tous les quarante ans».
Les résidents fiscaux français sont obligés de fournir la liste de leurs comptes bancaires à l'étranger. Une dissimulation est sanctionnée par une amende de 1 500 € par compte non déclaré, amende qui passe à 10 000 € si le compte a été ouvert dans un paradis fiscal avec lequel la France n'a signé aucune convention. Face à un refus d'obtempérer, le vérificateur peut lancer une demande d'assistance administrative aux pays coopératifs, régis par des conventions fiscales.
Si ces pouvoirs paraissent énormes sur le papier, dans la réalité, les nantis ont pourtant mille façons de contourner l'ESFP, murmure-t-on Rue de Saussure. En première ligne, les paradis fiscaux qui, malgré les déclarations enthousiastes de Nicolas Sarkozy en 2008, sont loin d'avoir disparu. Ainsi de la Suisse, témoigne notre vérificateur, «où, en dépit de la signature de conventions, les autorités fiscales rechignent toujours à fournir les noms des titulaires des comptes bancaires».
LE RÔLE DES CONSEILS
Parfois, pourtant, la chance sourit aux vérificateurs. Ainsi l'un d'entre eux est parvenu à coincer un entrepreneur qui prétendait que sa société était domiciliée aux Bermudes. En traçant des dizaines de milliers de mails émanant de Toulon, où il résidait, il a réussi à prouver que le siège effectif de sa société était bien en France et les 123 petites îles de corail, une simple boîte aux lettres.
Par ailleurs, regrette la juridiction présidée par le socialiste Didier Migaud, «l'intérêt de l'ESFP a été limité par un certain nombre de règles, dont la règle du double». Un vérificateur ne peut en effet interroger un contribuable de manière contraignante que si les crédits apparaissant sur son compte sont au moins deux fois supérieurs aux revenus déclarés. Autrement dit, s'il a déclaré 2 millions de revenus, on ne pourra l'obliger à se justifier que si son compte affiche plus de 4 millions de rentrées. A 3,8 millions, témoigne l'agent de la DNVSF, «il peut nous dire d'aller nous faire voir». «Cette situation, déplore la Cour des comptes, bénéficie indubitablement aux plus hauts revenus».
Surtout, remarque notre vérificateur, les contribuables sont de plus en plus prudents et de mieux en mieux conseillés. Résultat : «Il y a de moins en moins d'argent un peu gris sur les comptes. Il faudrait vraiment être idiot pour y déposer une grosse somme. Acheter des armes pour l'Angola via des comptes bancaires, ce serait grotesque ! On attrape bien encore quelques petits poissons comme ça, mais c'est rarissime.»
Article publié dans le magazine Marianne n°795, daté du 13 au 20 juillet 2012.
Par ailleurs, regrette la juridiction présidée par le socialiste Didier Migaud, «l'intérêt de l'ESFP a été limité par un certain nombre de règles, dont la règle du double». Un vérificateur ne peut en effet interroger un contribuable de manière contraignante que si les crédits apparaissant sur son compte sont au moins deux fois supérieurs aux revenus déclarés. Autrement dit, s'il a déclaré 2 millions de revenus, on ne pourra l'obliger à se justifier que si son compte affiche plus de 4 millions de rentrées. A 3,8 millions, témoigne l'agent de la DNVSF, «il peut nous dire d'aller nous faire voir». «Cette situation, déplore la Cour des comptes, bénéficie indubitablement aux plus hauts revenus».
Surtout, remarque notre vérificateur, les contribuables sont de plus en plus prudents et de mieux en mieux conseillés. Résultat : «Il y a de moins en moins d'argent un peu gris sur les comptes. Il faudrait vraiment être idiot pour y déposer une grosse somme. Acheter des armes pour l'Angola via des comptes bancaires, ce serait grotesque ! On attrape bien encore quelques petits poissons comme ça, mais c'est rarissime.»
Article publié dans le magazine Marianne n°795, daté du 13 au 20 juillet 2012.
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