Ces pays de l’Otan qui mirifiques et désarmés menacent la Russie les uns après les autres nous rappellent les frères Dalton de notre enfance : ils menacent Lucky Luke du plus grand au plus petit (« on va t’enlever l’habitude de respirer… »). Mais inévitablement Lucky Luke les ramène au pénitencier.
Vladimir Poutine a assisté impuissant à l’écrasement de la Libye sous les bombes puis à l’extermination d’un « dictateur » reçu à l’Elysée qui a fini lynché par la foule sous les applaudissements de nos ministres (la réaction d’Hillary Clinton était particulièrement obscène) ! On l’a incité ensuite à se rassasier de l’immolation du peuple syrien, des chrétiens orthodoxes notamment, censés – comme toujours – représenter un obstacle à la modernité démocratique et à son bras armé Al Qaeda – ces chouans, disait le Figaro.
Croulant sous cent mille milliards de dettes (chiffres à peu près certain) l’occident n’en est plus à une guerre près à la veille de sa chute hugolienne dans les abymes. Le poids de cette dette, c’est le poids de nos péchés, elle monte cette dette immonde alors que s’effondre notre niveau de vie et que croît l’obsession belliciste et que se multiplient les escarmouches les plus barbaresques de l’Otan en Méditerranée ou ailleurs. On est revenu aux temps des barbaresques, sauf que les barbaresques c’est nous les occidentaux postchrétiens – ou post-catholiques qui jouent aux janissaires de la ploutocratie saoudienne et qatarie en s’en prenant à nos frères orthodoxes ou aux modernes arabes laïcisés.
L’occident a attaqué alors l’Ukraine sous le feu croisé des néocons (Nuland, Kagan, etc.) et des skinheads locaux héritiers des pronazis de la dernière guerre mondiale, et ce pendant les jeux olympiques. Des snipers (mercenaires, soldats de l’OTAN ?) sont recrutés pour tirer sur la foule (mais aussi sur la police !) et faire croire à une cruauté du très limité président local qui aurait alors tiré sur sa police ( !) mais surtout a commis l’erreur de préférer les quinze milliards russes à la trique fiscale de Bruxelles. Cela justifie un coup d’Etat, vite rebaptisé révolution, cela justifie une confiscation du pouvoir par un oligarque qui donne les réserves d’or de son pays à l’Amérique tout en laissant la rue aux camés des milices brunes. Les drones effrayants de CNN survolent l’événement, et les benêts béats des médias bénissent le show.
C’est là que Poutine joue et gagne sans effort. Il laisse se gausser les commentateurs, il laisse surtout la dette de l’Ukraine à l’Europe déjà ruinée, il reprend les russes de la Crimée sans châtiment et sans coup de feu. La flotte russe est sauvée, il n’y aura pas de lac atlantidéen en mer noire. Le plan de Brzezinski du « grand échiquier » (chapitre 4, le trou noir) tombe à l’eau. Ce n’est pas comme à Kiev où comme on sait tout s’est fait dans la violence et dans l’horreur – conformément au sacro-saint droit international. Fuck the EU tant que l’on veut, pour parler comme Nuland au moment où elle désignait les membres du gouvernement d’opérette ukrainien, Fuck the EU mais pas la Russie. D’ailleurs plus Obama nous méprise et plus nous l’adorons, remarquait un édito dépité dans ABC.
Tout à leur hubris, comme à leur habitude, les « accidentaux » oublient que la Russie (heureusement pour elle) ce n’est pas la Lybie. On peut toujours essayer d’envoyer des soldats, d’installer des missiles et de lancer la bombe, mais bon…
Napoléon non plus ne s’était pas rendu compte, lorsqu’il amenait les Lumières de l’occident à Moscou, de ce qu’était la Russie ; sa propagande prétendait que les tzars c’était pire que les tartares (lisez Lesur sur la Russie, publié en 1812) ! Hitler aussi avait joué de la propagande de Goebbels pour justifier son invasion, et de la bonne logique territoriale : «toute extension de territoire ne pourra se faire qu’au détriment de la Russie ! » est-il déjà écrit dans Mein Kampf. Le combat continue ! L’occident se console en disant comme toujours que ce sont des esclaves intoxiqués, des moujiks ignorants qui le combattent. Et on ne sort pas de la logique du docteur Folamour qui est demeurée celle de Custine.
La vérité c’est que la Russie nous a libérés de Bonaparte et du führer ; et si c’était cela que les fous de Bruxelles ou les illuminés du Nouvel Ordre Mondial lui reprochaient ? Car ils sont là pour leur succéder, ces bâtisseurs de l’Europe, ces fouetteurs des peuples, ces bureaucrates du quotidien.
La seule satisfaction dans cette histoire est que l’on retrouve la vieille haine rancie des tzars, de ces monarques orthodoxes à qui l’occident préférera toujours les bolchéviques et les génocidaires du stalinisme, qu’il mit au pouvoir en 1917 et assista jusqu’au bout – pendant la guerre et après. Et que la vieille géopolitique est plus logique que la folie de l’époque.
Nicolas Bonnal