Comprendre à quel point nos campagnes se transforment nécessite une expérience simple : la marche à pied.
Puisque l’écologie fait désormais partie de toute action politique – ce dont il faut en soi se féliciter –, intéressons-nous un instant à un de ses aspects fortement négligés : l’écologie des paysages. La France est un pays de cocagne : ses territoires variés, ses magnifiques régions sont le fruit du travail acharné de nos ancêtres, qui l’ont peu à peu modelée. C’est pourtant un pays qui s’enlaidit, faute d’une volonté politique de faire respecter cet héritage d’une beauté à couper le souffle.
Partout, les campagnes et les villes française s’abîment. Hormis quelques secteurs hautement préservés, de cœurs historiques ou de sites exceptionnels, les pouvoirs publics tolèrent d’innombrables infractions aux règles d’urbanisme, de police locale ou de graves atteintes à l’esthétique ; pire encore, elles y contribuent positivement par une action volontaire. Quand, parallèlement, une réglementation tatillonne bride toute une série d’activités au nom, justement, de l’environnement.
Comprendre à quel point nos campagnes se transforment nécessite une expérience simple : la marche à pied. La randonnée familiale ou la Route Saint-Jacques permettent, par leur lenteur, de s’imprégner des paysages, de la nature environnante et de sa flore. C’est à cette occasion qu’on y découvre quelques merveilles méconnues, cachées de la route derrière un rideau d’arbres, une côte à couper le souffle, une crique ou un lac discret invitant à la contemplation, au repos. Mais c’est aussi, hélas, le seul moyen de constater les ravages produits par une modernité mal maîtrisée, indisciplinée.
Au détour d’un chemin, un manoir du XVIe siècle s’accompagne immanquablement d’un hangar agricole construit, la plupart du temps, à l’aide de matériaux qu’on croirait choisis tout exprès pour la manière dont ils jurent avec le paysage ambiant. Plus une jolie maison rurale, plus une belle ferme ancienne qui n’ait « sa » vue sur un tel bâtiment, qui suffit à défigurer le site. La nécessité pratique n’a jamais imposé, hors temps de guerre, de sacrifier l’esthétique à des considérations essentiellement financières. Combien d’habitations à l’état de semi-abandon, entretenues de bric et de broc, dont la cour sert de dépotoir à vieilles voitures et matériels rouillés ? Celles-ci aussi, vous les verrez en suivant les chemins.
L’été, on trouve aussi dans nos campagnes des mini-campings d’un ou deux emplacements sur des parcelles privées. Nos côtes en sont parsemées et c’est parfaitement illégal ! On peut aimer le camping et reconnaître que le respect du paysage ambiant impose de dissimuler à la vue des promeneurs l’installation toujours précaire, et spécialement inesthétique, d’une caravane, son auvent et ses accessoires.
D’une manière générale, la campagne française donne l’impression contradictoire d’une œuvre d’art soigneusement conçue des siècles durant, et d’un vaste territoire mal entretenu. Est-ce propre à notre pays que de voir, en pleine pâture, des instruments agricoles rouillés, des fûts d’huile stockés là depuis des années, des dépôts de pneus entassés ? Est-ce seulement une impression que nos agriculteurs n’ont aucun souci de la propreté des lieux ?
C’est là la responsabilité des maires, qui ferment les yeux. En milieu rural, on évite de se fâcher avec ses électeurs… Alors on tolère toutes ces choses qu’on ne peut réprimer.
Ces mêmes maires qui, de concert avec l’État, aggravent les choses par leurs décisions…