« On croit que l’insécurité est toujours et nécessairement une calamité. C’est là une vue trop étroite du problème. L’insécurité joue un rôle important dans le maintien de la stabilité du système.
L’insécurité concourt par exemple à démoraliser les populations,et à les convaincre de la vanité qu’il y aurait à vouloir s’opposer au« sens de l’histoire» (tel que le définissent les autorités).
Elle a une fonction rééducative : elle réduit les individus à l’impuissance et les met dans l’incapacité de rien entreprendre contre la nomenklatura en place.
Bref, c’est un instrument efficace de contrôle social. On lui est redevable de soustraire les autorités aux désagréments liés à une contestation venue de la base.
On comprend dès lors le soin tout particulier que les autorités mettent à laisser se développer l’insécurité. Elles ne disent naturellement pas qu’elles sont pour, mais elles s’emploient à la favoriser discrètement.
L’insécurité a une autre fonction pédagogique : celle d’habituer progressivement les populations à l’absence de droit.
La croyance en l’existence du droit n’a de sens que dans un Etat de droit.
Dans un Etat qui n’est pas de droit, ou l’est de moins en moins, la croyance dans le droit perd évidemment toute raison d’être. A la limite même, elle passe pour subversive.»
Eric Werner – De l’extermination, Editions Thael – 1993.
_________
Éric Werner est un philosophe suisse, docteur ès Lettres et ancien professeur de philosophie politique. Il a écrit plusieurs essais sur le système politique contemporain et la religion. Vidéo d’interview ici
Sur le même thème, lire :
• Anarcho-tyrannie
• Le billet de Father Mac : insécurité et contrôle des masses