Au XVIIIème siècle, la libre pensée des Lumières devait s’attaquer en profondeur à ces vieilles racines ; et le combat des philosophes allait fournir, au siècle suivant, un ciment inespéré à la République maçonnique, avant de culminer dans la fameuse loi séparant l’Etat de l’Eglise – texte auquel, de nos jours, tout le monde ou presque se raccroche…
Cela posé, il me paraît aussi vain de nier les fameuses «racines chrétiennes» de notre pays – réaffirmées naguère par le président Sarkozy à Saint-Jean-de-Latran – que d’en démentir l’héroïque émancipation.
Ces dernières décennies, il est vrai, les coups de boutoir d’une autre religion, l’islam, contre la laïcité, ont pu passer, aux yeux de certains chrétiens, pour la revanche du spirituel sur l’esprit radical de 1905 – ces adversaires rentrés de la laïcité n’hésitant pas, à l’occasion, à souffler de loin sur les braises…
Le legs le plus visible de cette France chrétienne, c’est son «blanc manteau d’églises», autrefois célébré par le chroniqueur bourguignon Raoul Glaber. Incomparable tissu d’églises paroissiales, abbatiales, collégiales, cathédrales, mais aussi de baptistères et de chapelles, de pardons, d’enclos et de lanternes-aux-morts, de temples aussi, plus discrets – le tout constellant villes et campagnes de trésors romans, gothiques ou autres.
Alors que l’on compte par douzaines ceux de ces monuments qui, actuellement, menacent ruine, se pose la question d’un éventuel financement public de nouveaux lieux de culte, musulmans ceux-là. Je n’ai nulle intention de prendre part, dans ces colonnes, à une telle polémique ; mais qu’il soit permis à l’amoureux d’histoire de rappeler cette vérité toute simple, que les édifices chrétiens de France ne sont pas seulement – et d’ailleurs pas tous – des lieux de culte ; pour un œil neutre comme celui de l’Etat, ils sont aussi et surtout le témoignage d’un passé, d’une histoire, bref – pour peu qu’on ose encore prononcer ce mot: d’une identité.