Dans une étude qui vient de paraître, le directeur de la Fondation Jean-Jaurès, Gilles Finchelstein, révèle la naissance d’une nouvelle famille dans le paysage politique français. Un groupe favorable à l’immigration et au droit de vote des étrangers mais «conservateur» sur les questions de société.
Pourquoi «de gauche» ? Parce qu’ils ont massivement voté pour François Hollande (72%) en mai 2012.
Vous dites avoir hésité à publier cette étude. Est-ce l’expression d’un doute sur les conclusions auxquelles vous êtes parvenu ? Ce qui expliquerait d’ailleurs le point d’interrogation qui accompagne le titre de votre note : « Des musulmans de gauche ? » Ou avez-vous craint les interprétations auxquelles elle pouvait donner lieu ?
- La question des musulmans est instrumentalisée à tort et à travers dans le débat public. Alors, oui, je me suis demandé si cette étude qui manipule des objets explosifs et bouscule beaucoup d’idées reçues ne risquait pas d’être utilisée dans je ne sais quel combat douteux. Mais la réalité doit être regardée en face et la connaissance étayée des mouvements qui traversent la société française ne saurait être un handicap pour ceux qui, comme moi, croient à la République. |…]
Je ne vous étonnerai guère en vous disant que des groupes idéologiquement cohérents ont émergé et, pour certains d’entre eux, ont confirmé des stéréotypes traditionnels : je pense aux «bobos de gauche», mais aussi aux « mondialisés libéraux » ou aux «conservateurs assumés» de droite ou encore à ceux que l’on peut appeler «les anxieux désorientés» et qui sont proches de l’extrême droite. […]
Mais alors pourquoi […] qualifier ce groupe comme vous le faites ?
- […]Pourquoi «musulmans » ? Parce que ce groupe se distingue des autres en ce qu’il rassemble des populations fragilisées socialement – c’est très important – mais aussi parce que sa véritable singularité tient dans le fait que la moitié des musulmans appartiennent à cette famille et que cette famille est composée à moitié de personnes qui se déclarent elles-mêmes de religion musulmane. C’est une surreprésentation que l’on ne constate dans aucune autre famille pour aucune autre catégorie… […]
Quant à la gauche, ce que montre cette étude, c’est l’impasse de la stratégie électorale qui avait été portée, il y a deux ans, par mes amis de Terra Nova. L’alliance privilégiée des bobos et des populations issues de l’immigration – le plus souvent musulmanes – ne serait pas seulement une erreur politique grave parce qu’elle négligerait le poids des seniors et des milieux populaires,
elle se heurterait en outre, on le voit, à la difficulté de rassembler durablement des familles diamétralement opposées sur les questions culturelles. En politique, il y a une seule façon de surmonter ces clivages : c’est de porter un projet qui sache transcender les différentes familles, groupes ou communautés, et s’adresse à chacun. C’est cela la République !