Un rapport parlementaire qui vient d'être rendu public met en lumière le nombre très élevé d'oeuvres d'art entassées dans les réserves des musées et jamais exposées. Certaines d'entre elles pourraient être vendues pour dégager des moyens financiers. Un sacrilège ?
Et si l'Etat ou les collectivités locales vendaient des oeuvres d'art entassées dans les réserves de leurs musées pour en acheter d'autres ou tout simplement dégager des moyens pour investir voire se désendetter?
Alors que le ministère de la Culture prépare pour le printemps une grande loi consacré au "patrimoine", la question mérite au moins d'être posée. Même si elle doit faire hurler les puristes.
Principe d'inaliénabilité
Dans le récent rapport de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale consacré à la politique des musées français, Guillaume Cerutti, le patron de Sotheby's France, n'a pas hésité à évoquer cette hypothèse. Même s'il n'est pas totalement désintéressé par le sujet.
Mais d'autres avant lui avaient estimé que le principe de l'inaliénabilité des oeuvres d'art des collections publiques inscrit dans la loi "musée" de 2002 devait être assoupli. Une façon de gérer de manière plus dynamique les collections des musées.
Le MoMA vend pour acheter
Les musées américains, par exemple, peuvent "se séparer de certaines pièces de leurs collection, de les revendre sur le marché", constate le rapport parlementaire. Le célèbre MoMA (Muséum of Modern Art) de New York participe ainsi régulièrement à des ventes "pour se donner les moyens d'acquérir de nouvelles pièces", ajoute le document. En Allemagne également, les musées publics ont la possibilité de vendre des oeuvres, même s'ils le font très peu.
En 2011, le MoMA a ainsi vendu des Dubuffet et des Magritte pour 29 millions de dollars (24 millions d'euros), sommes réinvesties dans des productions d'artistes moins connus. En comparaison, les crédits budgétaires qui seront consacrés en France par l'Etat à l'achat d'oeuvres atteindra seulement 8,35 millions d'euros en 2015.
Réserves pléthoriques
Si la question de la vente de certaines oeuvres se pose, c'est qu'en France, les réserves des musées débordent de pièces mal conservées et jamais exposées, lorsqu'elles ne sont pas entassées dans des conditions de sécurité insuffisantes. Ce manque d'espace "ne fera que s'accentuer du fait de l'accroissement tendanciel du volume des collections publiques régulièrement enrichies par la voie des acquisitions ou des dons ou legs", constate le rapport.
Plutôt que de garder autant d'oeuvres, pourquoi alors ne pas en céder certaines jamais exposées ? D'autant que les musées publics rechignent souvent à prêter à d'autres musées français ou étrangers des oeuvres ou objets de leurs réserves. C'est ce que déplore d'ailleurs le rapport parlementaire.
Il note également "la trop fréquente mise en réserve d'oeuvres qui ne devraient pas s'y trouver, comme celles qui ne sont plus en état d'être exposées faute d'avoir pu être restaurées". Ce fut longtemps le cas de La Vénus du Pardo, de Titien, restée des années dans un sous-sol du Louvre avant d'être finalement restaurée.
Ce tableau prestigieux n'est pas le seul à avoir connu une telle mésaventure : 250.000 objets et oeuvres du plus grand musée du monde sont encore entassés dans des réserves inondables. Heureusement, ils devraient être transférés en 2016 dans de nouvelles réserves en cours de construction à Liévin, près du nouveau Louvre-Lens. Un nouveau musée qui fait d'ailleurs visiter ses réserves. Tout comme celui du Quai Branly à Paris. Mais il s'agit encore d'exceptions.
Les musées français en chiffres
> 1.220 "musées de France" dont 83% gérés par les collectivités locales et 5% par l'Etat.
> 128 musées fermés ces dernières années.
> 8,35 millions d'euros affectés par l'Etat aux acquisitions d'oeuvres en 2015.
> 340 millions consacrés à la conservation et à la rénovation des musées