L'île de Kiska, qui se situe dans l'arc des Aléoutiennes à l'ouest de l'Alaska, n'est pas un endroit hospitalier. Il y fait froid. Elle est dominée par un volcan. Elle se situe à 1.600 kilomètres de toute aide médicale. Personne n'y vit et si vous êtes assez courageux pour vous y rendre, vous serez accueilli par une épave dans son port.
Kiska est aussi le site d'une bataille sanglante de la Seconde Guerre mondiale entre l'armée américaine et... l'armée américaine. En voici l'histoire.
Le 7 juin 1942 au petit matin, 1.200 soldats japonais prenaient d'assaut l'île. Ils n'eurent pas à faire preuve de beaucoup de force: seuls dix Américains vivaient sur l'île, où ils géraient une station météo.
Après avoir tué deux des Américains et avoir envoyé les huit autres au Japon en tant que prisonniers de guerre, les Japonais se sont installés sur Kiska et y sont resté plus d'un an. Ils y ont creusé des tunnels, construit des bunkers abritant des mitrailleuses et même planté des jardins.
Comme il n'y avait plus d'Américain sur l'île, l'armée des Etats-Unis n'avait pas à s'inquiéter des pertes civiles. Deux semaines après l'occupation japonaise, le pays a lancé une série de campagnes de frappes aériennes.
Des navires japonais brûlent dans le port de Kiska après un bombardement américain en 1942 ou 1943. Musée national de l'US Air Force, domaine public
Quelques navires et sous-marins ont été détruits et le Japon a perdu des centaines de soldats, mais les Américains ont attendu le 15 août 1943 pour lancer leur grande offensive sur l'île.
L'épave du Borneo Maru, un navire de transport militaire japonais endommagé par les bombardements américains. Brendan Coyle
Ce jour-là, près de 35.000 soldats alliés ont débarqué sur Kiska pour renverser les Japonais. Après avoir pris d'assaut les plages et s'être préparés à d'importantes pertes, ils se sont rendus compte de quelque chose d'inattendu: personne ne les attaquait.
Après avoir appris que les Etats-Unis avaient attaqué la base japonaise voisine de l'île d'Attu, le Japon avait ordonné à ses 5.400 soldats de quitter Kiska. Ils sont tous partis le 28 juillet 1943, plus de deux semaines avant le débarquement allié.
Méfiants face aux plaines silencieuses et aux pièces d'artillerie abandonnées, les troupes alliées ont fouillé les 277 km² de l'île pendant plus d'une semaine. Kiska était assaillie par un épais brouillard, et des soldats sur les nerfs se sont tirés dessus par accident à plusieurs reprises. Des pièges laissés par les Japonais ont également fait des victimes. Au total, une centaine de soldats alliés sont morts, soit sous les balles de leurs camarades, soit en marchant sur des mines.
L'île est toujours polluée par les objets que les Japonais ont laissés en fuyant à la hâte ce jour de 1943. Mais à cause de son emplacement reculé et de ses difficiles conditions climatiques, Kiska n'est pas une étape populaire pour les touristes qui font le tour des vestiges de la Seconde Guerre mondiale. En fait, vous n'avez pas le droit de mettre le pied sur l'île à moins de mener des travaux de recherche, pour lesquels vous aurez besoin d'une permission du Maritime National Wildlife Refuge de l'Alaska et du Fish et Wildlife Service américain.
Si les autorités estiment que vos travaux sont valides, il ne vous reste plus qu'à prendre un avion pour Anchorage, puis un des deux vols hebdomadaires vers l'île d'Adak, puis de vous incruster sur un bateau de recherche du Fish and Wildlife Service. Vous devrez apporter votre propre nourriture, de l'eau et tout ce dont vous pourriez avoir besoin pour passer un été sur une île aride pleine de vestiges de guerre.
Photo: Brendan Coyle
Brendan Coyle, auteur du livre à paraître Kiska: The Japanese Occupation of an Alaska Island, a récemment passé un été sur l'île en tant qu'assistant d'un professeur de biologie. Leur mission était de documenter les effets des rats de Norvège sur la population d'oiseaux indigènes de l'île (les rats ont été introduits sur Kiska au XVIIIe siècle quand des bateaux de pêche y ont fait escale).
Même si le sujet des effets destructeurs des rats sur l'écosystème d'une île ne le rebutait pas totalement, Coyle avait pour but principal de documenter les vestiges, pour la plupart intacts, laissés par les Japonais. Pour cette raison, il souligne que le professeur de biologie qu'il a assisté souhaite rester anonyme. «Le National Science Council a en partie financé ses travaux, il ne veut pas leur donner l'impression qu'il a cherché des objets de la Seconde Guerre mondiale alors qu'il était censé observer des oiseaux», explique-t-il.
Au cours de ses 51 jours à Kiska, Coyle a pris en photo des armes à feu rouillées, des tunnels en voie d'effondrement, des masques à gaz dont les tubes s'enroulent dans des flaques de boue, des chaussures tabi abandonnées et des sous-marins bombardés à moitié submergés par de l'herbe.
Entre les photos et les expéditions de recherche, Coyle et le professeur passaient le temps dans leur tente installée au bord de la plage à cuisiner des repas avec une cuisinière à propane, mettre à jour leur journal de bord et râler contre les orages fréquents. RegarderDr. House sur un ordinateur portable branché à un générateur était leur divertissement de choix les jours de mauvais temps. Il n'y avait pas Internet.
Certaines des magnifiques photos de Coyle sont ci-dessous. Vous trouverez beaucoup d'autres images et l'histoire de son été à Kiska dans son livre, qui sera publié en octobre aux Etats-Unis.
Photo: Brendan Coyle.
Photo: Brendan Coyle.
Photo: Brendan Coyle.
Photo: Brendan Coyle.
Photo: Brendan Coyle.