Jamais plus que ces dernières années il n’a été autant question de réduire déficits et dette publique. Quelles sont les différentes options ?
Ne pas s’en préoccuper et concentrer tous nos efforts sur les facteurs de la croissance (compétitivité des entreprises et pouvoir d’achat des consommateurs). C’est l’option défendue par la gauche et a minima par François Hollande, mais par aucun économiste sérieux – aucun ! Pourquoi ? Sans parler de la contrainte budgétaire européenne, parce que le niveau de croissance nécessaire pour stabiliser naturellement notre endettement est hors de portée, ne parlons même pas de celui qui nous ramènerait à l’équilibre. S’engager dans cette voie ne peut qu’aggraver la situation et, dans moins de cinq ans, nous acculer au défaut de paiement.
À l’autre extrême, suivre l’exemple de nos voisins ibériques, c’est-à-dire s’engager dans un programme de réduction massive des dépenses publiques (pas 21 mais 100 à 150 milliards d’économies), quitte à basculer dans la récession pendant un ou deux ans. Personne ne s’est encore prononcé pour cette solution politiquement suicidaire, mais François Fillon n’en est pas très loin. Théoriquement, pour réussir, il faudrait que le secteur privé prenne le relais de l’État. Or, comme la consommation interne en sortirait forcément déprimée, cela veut dire qu’il faudra compter uniquement sur les marchés à l’export. Est-ce crédible sans une sortie de l’euro ? À mon avis, non.
Restent trois options non conventionnelles. La solution à la japonaise c’est-à-dire le recours à la planche à billets. C’est l’idée préconisée par Marine Le Pen à raison de 100 milliards par an et qui, bien évidemment, suppose la sortie de l’euro. Hélas, ici aussi, on peut lui opposer un argument quasi définitif. Dix-huit mois après sa mise en place, Abenomics est un échec malgré l’immense avantage – par rapport au cas français – que les détenteurs de la dette publique nippone soient japonais à 99 %.
Le prélèvement autoritaire d’une contribution unique et exceptionnelle sur les dépôts bancaires, c’est ce que les traders appellent l’option bazooka et qui a été utilisée à Chypre en 2013. Cette option comporte un avantage de taille : le résultat est immédiat, mais c’est un procédé immoral qui saperait définitivement la confiance dans les institutions avec les risques de jacqueries que cela suppose.
Reste l’ultime solution, celle qui s’applique systématiquement en droit privé lorsque l’emprunteur est en cessation de paiement : la renégociation de la dette avec les créanciers. À tout point de vue, cette option me semble la moins mauvaise. La perte de crédit de la France ? Foutaises ! Les marchés ont la mémoire courte ; passée une période de défiance, si l’économie est remise sur le bon chemin, les investisseurs s’empresseront de revenir. La ruine pour les caisses de retraite et certaines compagnies d’assurance ?
Assurément, mais les contrats d’assurance-vie sont souscrits sur une base volontaire et les retraites qui contribuent largement à notre déficit ne sont-elles pas déjà condamnées à subir un réajustement drastique? Et puis, au nom de quoi prêter à un État serait un placement absolument sans risques ? Ici, nous touchons au cœur du problème, aux confins de l’économie et de la philosophie. Nier l’existence du risque, c’est poser que la solvabilité de l’État serait illimitée. Or, c’est faux, sauf à admettre qu’elle se confond avec celle de ses administrés, ce qui nous renvoie à l’option précédente. Et plus généralement, lorsque la nécessité de rembourser des créanciers se heurte à la souffrance du peuple – jusqu’au suicide des plus désespérés –, on peut s’interroger aussi : l’État a-t-il donné en gage de sa dette le sang des citoyens ? Non plus.
Chaque jour qui passe, la facture s’alourdit. Or, un jour ou l’autre, il faudra payer, c’est une certitude. Reste à savoir qui paiera. Tout le monde ou les seuls créanciers, l’euro ou la renégociation de la dette ? Il faut choisir.