Valeurs actuelles. Le Conseil d’État s’est déjà prononcé une fois sur la question de la généralisation du traitement Chloroquine+ Azithromycine, en rejetant la demande des plaignants. Quels éléments ont changé aujourd’hui et pourraient le pousser à revoir son jugement ?
Me André Bonnet. Attention, le Conseil d'Etat (et en réalité l’un de ses membres, jugeant seul) ne s’est prononcé les 28 mars et 4 avril derniers qu’en tant que juge des référés-liberté, selon une procédure stricte qui exige une atteinte manifeste (et sans incertitude, cela a été précisé le 4 avril) à une liberté ou un droit fondamental, et dans le cadre de laquelle seules peuvent être prises des mesures provisoires et manifestement nécessaires.
En outre, il a statué « en l’état de l’instruction », c’est-à-dire au vu des éléments au dossier le jour de l’audience. Tout changement significatif dans cet « état de l’instruction » peut donc conduire à une modification de la position de la juridiction.
Or, la voie choisie pour la nouvelle procédure est celle du « référé-suspension », qui exige — sauf cas très particulier — en cas à la fois d’urgence et de doute sérieux sur la légalité de la décision, que cette dernière voie son exécution suspendue, le juge pouvant alors même enjoindre à l’Etat de prendre toute mesure permettant de rendre effective cette suspension.
Le cadre juridique n’est donc pas le même et la place de la légalité pure y est nettement prépondérante. Enfin, une ordonnance de référé n’est pas dotée de l’autorité de chose jugée, et le Conseil d'Etat statuant plus tard au fond pourra seul arrêter une position définitive (même si l’on se doute que son juge des référés a « consulté » avant de prendre sa décision).
Cela précisé, trois choses importantes au moins ont changé depuis le 28 mars.
Premier élément nouveau, la publication d’une deuxième étude de IHU à Marseille portant sur 80 patients, puis d’une étude de l’Université d’Albuquerque et également d’une nouvelle étude chinoise le 30 mars, dont les résultat convergent.
Parallèlement, le nombre de patients traités à l’IHU a atteint 29 613 personnes au 7 avril, avec 26 décès seulement, soit un taux de mortalité de 0,7% contre 7,5% (hors EHPAD) au plan national.
Ces résultats et chiffres, rajoutés à la mobilisation de nombreux praticiens faisant autorité dans leur domaine, en faveur du protocole IHU, ont sensiblement changé la donne « théorique », quoiqu’en disent les « opposants ». La « science médicale » ne permet ainsi aucunement, aujourd’hui, d’affirmer de quelque manière que ce soit que ce protocole n’amène rien, ou qu’il est dangereux ou irresponsable, seuls critères possibles d’une éventuelle recommandation médicale négative, le médecin devant donc demeurer libre dans son pouvoir de prescription.
Deuxième élément nouveau, il apparaît que les tests mis en avant par le gouvernement pour justifier son interdiction du protocole ne déboucheront sur de véritables résultats concrets que d’ici 30 à 45 jours, au plus tôt.
Le CHU d’Angers l’indique lui-même, et le directeur de l’INSERM a admis ce lundi sur BFMTV que l’opération Discovery n’avait pas même encore inclus tous les patients attendus (seulement 514 sur 800 en France) et que le seul résultat tangible pour l’instant était que « ce protocole avance bien ». Or le Conseil d’Etat s’est fondé sur l’imminence annoncée de ces résultats pour rejeter la requête dont il était saisi.
Ces tests, en outre, ne portent que sur l’hydroxychloroquine (à la marge d’ailleurs pour Discovery), sans aucune étude de l’association avec l’azithromycine, alors que cette association est centrale dans le protocole IHU (et pour l’Université d’Albuquerque).
Et le CHU d’Angers ne vise que des personnes âgées, déjà atteintes, en estimant possible d’étendre ensuite aux plus jeunes les conclusions des tests, ce qui est pour le moins sujet à caution sur le plan de la méthode scientifique.
Troisième élément nouveau, la contradiction dans laquelle s’est enfermé le gouvernement en autorisant par décret du 28 mars la prescription du RIVOTRIL hors AMM, pour des patients atteints du COVID 19 en EPADH, alors que ce produit antiépileptique à effet sédatif est contre indiqué en cas d’affection respiratoire sévère !
Cette décision contraire au droit (article L. 5121-12-1 du code de la santé publique) vient démontrer à quel point l’invocation par ce même Etat de l’absence d’indication COVID 19 dans l’AMM du PLAQUENIL est fallacieuse, sachant que cette molécule est parfaitement connue dans ses effets secondaires potentiels depuis plusieurs dizaines d’années et qu’aucun d’entre eux ne porte sur la capacité respiratoire. Or, là encore, cet argument du danger prétendu d’une prescription hors AMM avait été retenu par le Conseil d'Etat, sur la foi des éléments dont il disposait.
Concrètement, donc, les trois fondements factuels des ordonnances des 28 mars et 4 avril 2020 ont disparu à ce jour, ou en tout cas ont été substantiellement délités. On ajoutera que l’accélération du nombre des décès met encore davantage en lumière le caractère inexplicable de l’interdiction d’un protocole qui vise justement à éviter l’évolution des patients contaminés vers des cas graves.
Toutes les études menées jusqu’à présent sur ce traitement, que leurs conclusions aillent dans un sens ou dans l’autre, ont fait l’objet de critiques nombreuses. Les résultats publiés sont-ils suffisants pour permettre au juge de se décider ?
Ce que je viens de dire répond en partie à la question. Mais il faut aller bien plus loin : il faut éviter à tout prix que le juge et/ou le fonctionnaire se substituent au médecin !
L’interdiction que nous combattons est purement et simplement du jamais vu, car elle porte atteinte à une liberté que l’on pourrait qualifier d’imprescriptible, la liberté de prescription du médecin. Celui-ci ne doit être « limité » dans cette liberté que par la prise en compte des alternatives médicales existantes, et par les contre-indications avérées selon la science médicale, et le décret du 26 mars est à cet égard sans précédent.
C’est à cet égard que la distinction faite à l’instant entre le référé liberté et le référé suspension (le nôtre aujourd’hui) est capitale : dans la procédure de référé suspension, le juge peut suspendre toute exécution de la décision attaquée simplement lorsqu’il existe un « doute sérieux quant à sa légalité ».
Or, l’interdiction absolue faite aux médecins de ville de prescrire du PLAQUENIL est contraire à tous les principes en la matière, y compris tels qu’exposés dans le code de la santé publique.
Du coup, il va de soi qu’il faut, pour la justifier, y compris au titre de l’urgence sanitaire, apporter des arguments très forts liés à cette urgence exceptionnelle, faute de quoi le « doute sérieux » sera… manifeste.
Or, d’une part l’Ordonnance sur l’urgence sanitaire du 23 mars 2020 autorise les mesures exceptionnelles « permettant la mise à disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire », et non leur interdiction (!), d’autre part la science médicale à ce jour, ne permet aucunement d’affirmer que le PLAQUENIL ne serait pas « approprié ». En d’autres termes, même si on en reste au doute, ce doute suffit pour faire tomber l’interdiction, qui ne peut découler légalement que d’une nécessité constatée ou pour le moins (et encore) largement consensuelle. Et là se trouve le pouvoir du juge, qui ne peut aller au-delà.
Dans l’hypothèse où ce référé n’aboutirait pas, quelles pourraient être les alternatives pour généraliser le traitement ?
Un rejet est évidemment possible, du moins dans l’attente d’une décision au fond du Conseil d'Etat, mais je n’ose y penser, au regard des morts que cela pourrait entraîner (près d’un millier chaque jour !), et qui sans doute auraient pu être évitées.
Il faut également être clair : la situation actuelle est proprement sidérante, car on assiste à une négation par l’Etat politique, sans raison scientifique concrète, des résultats obtenus par l’un de ses propres IHU de très haute technicité, spécialisé dans les maladies infectieuses, Institut qu’il a lui-même financé largement (notamment via l’INSERM), et dont les statuts sont approuvés par décret !
Et il faut se garder de tout focaliser sur le nom du Pr RAOULT, aussi prestigieux que soit cet éminent praticien, car cela fait oublier ce contexte institutionnel frappant, sans précédent là encore, de l’Etat luttant contre ses propres institutions alors même que la vie de milliers de citoyens et l’économie du pays tout entier sont en jeu !
Alors, que se passera-t-il si cette interdiction du protocole « IHU » perdure ? Ce qui est certain, c’est que le risque existe d’une sorte de révolte des médecins, qu’on voit déjà se dessiner, surtout si les courbes des guérisons à Marseille et des décès sur le reste du territoire national gardent la même tragique similitude qu’aujourd’hui. Et la question de l’approvisionnement se posera ensuite immédiatement.
Mais l’avenir n’est jamais écrit d’avance. Certes, on sait qu’une trentaine de laboratoires sont d’ores et déjà lancés dans une course effrénée au vaccin, avec des investissements à la clé de plusieurs centaines de millions d’euros, dont la presse commence à rendre compte - et des revenus futurs escomptés vertigineux. Mais, de son côté, la boîte de PLAQUENIL, dont la molécule est dans le domaine public, coûte moins de 5 euros.
En conséquence, si le protocole marseillais continue de démontrer sur le moyen terme des effets positifs, sans autres victimes « collatérales » que marginales et si, dans le même temps, les recherches en laboratoire piétinent, on peut espérer que la raison et l’exigence de service public finissent par prendre définitivement le dessus sur toute autre préoccupation.
C’est du moins ce que peut souhaiter le juriste, sachant qu’au-delà c’est à la politique (au sens noble de ce terme) de reprendre ses droits et qu’il faudra bien plus tard élucider les raisons profondes des blocages actuels.
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