Tribune de Claude Meunier-Berthelot
♦ Les derniers résultats de l’étude internationale PISA ont souligné la situation
catastrophique del’éducation nationale française : moins de connaissances chez
les élèves et de plus grandes inégalitésentre eux. C’est logique : un système en
décomposition génère forcément des inégalités croissantes.
Or le gouvernement français, loin de s’inspirer des exemples qui marchent
(pays d’Asie, Canada,Australie, Finlande), fait exactement l’inverse : bourses sur
critères sociaux et non intellectuels, absence d’efforts réalistes pour améliorer
le recrutement des enseignants, poursuite des réformes tendant à remplacer
l’enseignement structuré des disciplines de base par des activités plus ou moins
ludiques.
Claude Meunier-Berthelot fait le point pour Polémia.
Placée sous l’égide de l’OCDE, l’étude PISA (Programme international de suivi des acquis), réalisée tous les trois ans, consiste à faire une évaluation des acquis scolaires des élèves de 15 ans appartenant à 65 pays membres de l’OCDE. En 2012, 510.000 élèves ont participé à cette évaluation, dont 5700 en France, sélectionnés et évalués en fonction de critères de représentativité que nous ignorons… l’OCDE, très discrète sur le sujet, ne répondant pas à notre demande.
Cette étude porte sur l’évaluation d’acquis très basiques : elle n’apprécie pas la maîtrise d’un programme déterminé, donc d’une culture mais seulement l’aptitude des élèves à appliquer les connaissances acquises à l’école dans des situations de la vie courante dans les trois domaines : mathématique, scientifique et… compréhension de l’écrit ;
Cette année, l’accent était mis sur les mathématiques… dit l’OCDE...
... Notons d’ailleurs au passage que les pays de l’OCDE ne lésinent pas sur les moyens, investissant plus de 230 milliards d’USD par an dans l’enseignement des mathématiques à l’école. Investissement colossal qui… rapporterait beaucoup plus que ce qu’il ne coûterait… paraît-il. Ah bon ? Que ne ferait-on pas pour la mondialisation !
Shanghai, Singapour, Hong-kong, Corée du Sud, Japon, Canada, Finlande
et Australie sur le podium
Quoi qu’il en soit, sur 65 nations, ce sont cinq pays asiatiques qui arrivent en tête : Shanghai, Singapour, Hong-Kong, Corée du Sud et Japon, mais également le Canada, la Finlande, l’Australie… établissant un score équivalant à une avance de près de 3 années par rapport aux autres pays, alliant performance élevée et égalité des possibilités d’apprentissage, ...
Pourquoi les pays performants réussissent-ils ?
Ils misent sur les enseignants : l’accent est mis sur la sélection et la formation des enseignants ; ils investissent en priorité dans l’amélioration de leur qualité.
Le Brésil, la Colombie, l’Estonie, Israël, le Japon et la Pologne ont tous entrepris d’améliorer la qualité du personnel enseignant.
Certains pays, dont le Danemark et l’Allemagne, ont réagi aux évaluations de l’étude PISA 2000 en soumettant leur système d’éducation et leurs programmes de cours à de grandes réformes.
La France continue de chuter
La France continue de dégringoler, se situant en dessous de la moyenne européenne, perdant 16 points en maths de 2003 à 2012 pendant que l’Allemagne se redresse. Le nombre d’élèves en grande difficulté s’accroît pendant que le nombre d’élèves excellents augmente.
Un système en décomposition génère forcément des inégalités
Nous avons déjà eu l’occasion de le dire : un système éducatif performant profite forcément à tous les élèves, quand un système éducatif est en voie de décomposition, tel celui de la France il génère forcément des inégalités.
« L’Ecole est malade, le traitement ne lui convient pas, doublons les doses »
Insistant sur l’accroissement des inégalités entre les enfants de France, sans dire pourquoi – bien entendu ! –, Vincent Peillon en profite pour renforcer les dispositions prises en faveur de l’éducation dite prioritaire, c’est-à-dire en faveur des enfants des ZEP qui vont de plus en plus bénéficier d’un réel enseignement refusé à tous les autres, de la maternelle à l’université incluse.
Par ailleurs, dans son communiqué de presse du 3 décembre 2013, V. Peillon dit : « …les résultats ne sont pas bons, on s’y attendait, il y a depuis des années une difficulté scolaire en France … aggravée parce que des mauvais choix ont été faits… » – sous-entendu « mais on va y remédier » – alors qu’il confirme la politique de « refondation » de l’Ecole de ses prédécesseurs : « …il faut mener à bien la “refondation républicaine” de l’Ecole… », dit-il.
« L’Ecole est malade, le traitement ne lui convient pas ; doublons les doses. » Nous savions déjà que si le communisme n’avait pas réussi, ce n’est pas qu’il y en avait trop, mais pas assez !
Sur quoi repose la « refondation » de l’Ecole ?
Sur la suppression des cours et leur remplacement par des activités au cours desquelles l’enfant, l’adolescent, construisent leur savoir et ce, du primaire à l’université incluse.
Est-il prévu, comme d’autres pays l’ont fait, l’amélioration de la qualité des « enseignants » qui n’enseignent plus ? Evidemment, dans ce cadre-là, cela ne
s’impose pas, même si le ministre de l’Education le prétend !
Les créations de poste se font essentiellement sur la base d’ « emplois-avenir-professeurs », avec des conditions de recrutement qui ne laissent planer aucun doute sur les intentions. Entre autres dispositions :
- • ils s’adressent à des étudiants boursiers sur la base de critères sociaux et non intellectuels !
- • sans condition de nationalité ;
- • priorité étant donnée aux étudiants ayant résidé au moins 2 ans dans une zone urbaine sensible ou dans un DOM ou ayant effectué au moins deux années d’études secondaires dans un établissement situé dans une de ces zones ou dans un établissement relevant de l’éducation prioritaire… pour ensuite être pris en charge encore plus longtemps par les IUFM rebaptisés Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation, ce qui ne change ni le programme ni les méthodes de cette machine à décérébrer !
Conclusion
Ces dispositions vont à l’encontre de celles prises par les pays arrivés en tête du classement, ce qui conduira forcément la France, déjà mal en point dans les résultats de l’étude PISA 2012, tout droit dans le peloton de queue des 65 pays de l’OCDE ayant concouru, avec le risque aussi grand d’être récupérée par la « voiture-balai »…
Mais qu’à cela ne tienne ! Nos ministres ont de la ressource : ce sont les évaluations qui seront mauvaises !
Claude Meunier-Berthelot
source
Voir aussi :
Projet de loi Peillon : dans la continuité de la destruction de l’École
Le gros bobard de France-Info sur les méthodes de lecture
Correspondance Polémia – 20/01/2014
Image : Pisa 2012