Si vous faites partie d’une corporation, si vous craignez la concurrence, si vous voulez garder un monopole, si vous souhaitez que les prix restent hauts, la recette est très simple : demander à l’Etat d’intervenir.
L’Etat vous assurera un service – public – garanti et impeccable. Les parts de marché qui auraient pu apparaître tomberont dans l’oubli, aucun développement n’aura lieu, tout restera intact et inchangé sous l’œil de l’Etat qui vous protégera du marché et de ses lois iniques. Tout ceci se fera sans douleur. Et aux frais des contribuables.
Dernier exemple en date : la vente des médicaments sur Internet. Une bonne idée commerciale pour gagner de nouvelles parts de marché dans un secteur de santé toujours plus tendu du fait des déremboursements des médicaments et de l’appauvrissement du pouvoir d’achat des Français.
Médicaments sur Internet
Mi-février, le Conseil d’Etat avait autorisé la vente de 3.500 références de médicaments au lieu des 455 prévues, s’alignant ainsi sur une directive européenne.
Cet élargissement de la gamme de médicaments disponibles sur Internet a permis à des pharmaciens, dont certains avaient déjà créés leur site de vente en ligne, de saisir l’opportunité de développer leur marché et, bien entendu, leur chiffre d’affaire.
Car être pharmacien, c’est aussi être à la tête d’un business.
Mais nous sommes en France. Cette libéralisation – substantif formé à partir du mot « libéral » qui est un de ces mot-épouvantail que l’on agite avec frénésie lorsque l’on veut contrer un développement de marché – a inquiété l’Ordre des Pharmaciens et en particulier sa présidente, Isabelle Adenot. Craint-elle pour le monopole des pharmaciens ? C’est évident.
La vente sur Internet est la première étape vers une vente des médicaments en supermarché. De récentes publicités des supermarchés Leclerc diffusées sur les chaînes de télévisions françaises l’ont lourdement suggéré. C’est le sens du marché économique.
L’automédication montrée du doigt
Isabelle Adenot s’insurge et parle des dangers pour la santé si jamais on laissait les Français acheter des médicaments tout seuls sans passer par la case pharmacie. L’automédication est montrée du doigt.
Mais l’automédication n’est pas dangereuse, car cela concerne des médicaments qu’on l’on peut acheter sans ordonnance.
Qui a vécu aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, qui est allé chez CVS Pharmacy en Amérique ou Boot’s au Royaume-Uni, connaît le libre marché des médicaments.
Cela concerne essentiellement la bobologie ou les rhumes, rhinites, maux de gorges, maux de têtes, bref toutes ces choses qui ne requièrent pas un médecin pour se soigner.
La personne d’intelligence moyenne a un minimum de bon sens pour ne pas se mettre en danger. Quant aux médicaments comme les antibiotiques, une ordonnance est toujours nécessaire et des pharmaciens diplômés sont là pour les préparer.
D’ailleurs Bruno Lasserre, président de l’autorité de la concurrence, précise qu’en « Grande-Bretagne et en Allemagne, où la vente des médicaments, même prescrits, est autorisée en ligne et pas seulement par les pharmaciens, il n’y a pas eu de drame sanitaire. La hausse des ventes en ligne de médicaments reste d’ailleurs modérée. »
Statistiquement, ce qui est dangereux pour la santé en réalité c’est l’ordonnance du médecin qui prescrit des médicaments.
Trop d’ordonnances
D’abord parce qu’en France, un patient ressortira presque toujours avec une ordonnance même s’il n’en a pas besoin : il n’y a que 0,25% de chance de sortir de chez son médecin sans ordonnance. Cela monte à 40% aux Pays-Bas, ce qui est nettement plus raisonnable.
Pire, il faut savoir qu’une ordonnance qui prescrit plus de quatre ou cinq médicaments est potentiellement un danger car elle augmente les possibilités d’interactions médicamenteuses.
Des interactions qui provoquent 13.000 hospitalisations par an et causent 10.000 morts chaque année.
Le coût humain et financier de ces erreurs dues aux médecins et aux pharmaciens qui n’ont pas su décrypter le danger potentiel d’une ordonnance est colossal. Et ce sont bien entendu les contribuables qui paient à chaque fois puisque ces erreurs sont couvertes par la Sécurité sociale.
Alors il faut relativiser lorsque Isabelle Adenot déclare que «ce qui nous inquiète c’est qu’aujourd’hui un jeune de 10 ans ne peut pas venir dans une pharmacie acheter des médicaments, et que cela soit possible sur Internet.»
Ou encore lorsqu’elle dit que « récemment, quelqu’un a pu acheter dix boîtes de médicaments pour l’insomnie occasionnelle, ce qui prouve bien que c’est un risque et qu’il faut donner le maximum de sécurité. »
Faire d’un cas isolé une généralité n’est pas sérieux. La tactique de la Présidente de l’Ordre des Pharmaciens est connue : faire peur, semer le doute pour conserver un monopole et empêcher une ouverture de marché.
L’Etat conforte les monopoles
Dans un autre pays, le marché aurait continué sa marche. Mais en France, non ! L’Etat intervient pour conserver les monopoles des corporations. Marisol Touraine, ministre de la Santé, planche sur un code des bonnes pratiques pour restreindre au maximum le marché.
C’est son but d’ailleurs : elle avait scandé lors de plusieurs discours prononcés en 2012 que « la santé n’est pas un marché ».
Bruno Lasserre a beau dire « qu’entre Internet et la montée en puissance des génériques, de nouvelles opportunités de baisse des prix, d’accroissement des services, d’innovation, s’ouvrent » et « qu’Internet est un gisement de croissance offert aux pharmaciens d’officine dynamiques », rien n’y fera : le marché et la loi de l’offre et de la demande sont inacceptables pour Marisol Touraine qui devient la meilleure alliée d’Isabelle Adenot.
Sous prétexte de garantir les droits du consommateur, l’Etat s’apprête donc à entraver au maximum la libéralisation du marché qui aurait permis aux consommateurs français de payer moins cher des médicaments basiques comme l’aspirine.
Ainsi, les pharmaciens tentés par la vente sur Internet seront obligés, selon le code de bonnes pratiques de l’Etat, d’afficher les mêmes prix en ligne et en pharmacie, d’ajouter le coût de la livraison, sans possibilité de l’offrir et d’avoir en stock la totalité des 3.500 produits permis à la vente en ligne.
Bruno Lasserre commente sobrement : «Ces mesures sont très dissuasives». Oui, en effet, puisqu’elles tuent non seulement les possibilités de développement de marché de pharmaciens innovants et dynamiques, mais aussi anéantissent la possibilité de baisse des prix des médicaments pour les clients.
Cet exemple montre bien que l’argent des contribuables sert à financer un Etat qui préserve les monopoles et limite la liberté du marché. Au final, c’est toujours la liberté de choix qui est restreinte et le contribuable qui paie la facture.
Jean de Selzac
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