« France Périphérique » : la messe est dite. La quasi-totalité de la communauté scientifique (sociologues, économistes ou géographes) conteste la pertinence de cette description duale – France périphérique vs métropoles – des réalités sociales et territoriales contemporaines.
Mais, avec le mouvement des « gilets jaunes », elle s’est installée dans le paysage médiatique et politique.
Elle fait représentation collective au point d’imposer sa grille de lecture à l’agenda politique comme en témoigne par exemple le récent projet de loi d’orientation des mobilités, qui prévoit notamment des réponses ciblées en direction de cette supposée France périphérique.
Comment expliquer alors le succès de ce qui s’apparente à une « prophétie auto réalisatrice » ? c’est-à-dire, le fait d’énoncer une assertion fausse – dans le cas présent l’existence d’une France périphérique – mais qui devient réalité à force d’être répétée.
Faudrait-il y voir la marque du décalage entre la réalité telle qu’elle est analysée par le regard scientifique et telle qu’elle est ressentie par la société ?
On fait ici une autre hypothèse. Le succès de la notion de France périphérique ne tient pas à sa capacité à décrire la situation actuelle, telle qu’elle serait ressentie par tout ou partie des Français.
Elle s’explique davantage par sa capacité à s’affranchir des réalités actuelles pour décrire un monde en voie de disparition. Ce monde qui disparaît est celui longtemps décrit dans les termes proposés par l’intellectuel marxiste Henri Lefebvre pour qui le territoire est « la projection au sol des rapports sociaux ».
Lorsqu’à chaque type d’espace correspondait une réalité sociale, l’expression « dis-moi où tu habites, je te dirai qui tu es » prenait tout son sens. […]