Système de santé, réforme sociale, dépense publique, déficit budgétaire… La France était l'un des pays les moins préparés à affronter la crise. Elle en paiera le prix fort. Décryptage par Agnès Verdier-Molinié, patronne de l'Ifrap.
Valeurs actuelles. La crise n'a-t-elle pas démontré que le système social français (notamment l'hôpital) n'était pas aussi merveilleux que celui qui nous est vanté depuis des années ?
Agnès Verdier Molinié. Tous les pays sont démunis face au virus. Ceux qui le sont moins (Corée du Sud…) testent la population à tour de bras et demandent à tous le port du masque, font du tracking et de la prise de température. La France en est loin.
Nous nous sommes réveillés sans masques, sans tests, en pénurie de respirateurs et de médicaments : nous privilégions depuis des années les dépenses de fonctionnement au détriment des dépenses d'équipement. Quand une crise sanitaire comme celle du Covid-19 arrive, alors que nous dépensons 10 milliards d'euros de plus que les Allemands par an dans nos hôpitaux, la vague déferle sur des équipes hospitalières sans masques et sans équipement et sans assez de lits de réanimation.
Ce n'est pas un manque de moyens qui est en cause mais l'organisation de notre système de soins.
Pourquoi ?
Au lieu de décentraliser, nous avons juste déconcentré. Nous avons donné le pouvoir sur le terrain à des agences régionales de santé référant à l'État central, qui ont fait perdurer une vision de la santé très hospitalo-centrée et très compartimentée entre la médecine de ville, les hôpitaux publics et les cliniques privées, alors que ce qui doit jouer est la complémentarité entre les uns et les autres.
C'est ce qui se passe en Allemagne, avec une gestion décentralisée au niveau du Land, des hôpitaux en grand nombre gérés par les cliniques privées, une médecine de ville financée et valorisée et des assureurs en concurrence : les Allemands ont structurellement plus de lits de réanimation car leurs plateaux hospitaliers sont plus techniques. Les patients en temps normal n'arrivent à l'hôpital que pour des pathologies graves. Les autres sont traités en médecine de ville.
Ce n'est pas un manque de moyens qui est en cause mais l'organisation de notre système de soins. Il faut espérer que nos concitoyens ne s'y tromperont pas et ne tomberont pas dans le panneau si facile et démagogique du toujours plus.
La France était-elle suffisamment préparée à traverser une telle crise ?
Elle est entrée dans la crise avec malheureusement beaucoup de handicaps : une dette à 100 %, le plus fort taux de dépenses publiques, des impôts les plus élevés qui ne permettront aucune marge de manœuvre fiscale sauf à plomber la reprise, et un déficit structurel de 50 milliards d'euros annuel.
Les choses étaient déjà mal parties fin 2019, avec un dernier trimestre à 0,1 % de croissance et une baisse du chômage qui s'essoufflait. Le gouvernement avait déjà largement renoncé à rétablir les finances publiques. Le budget 2020 a été voté avec un effort structurel à 0 %.