«À la fois, on réduit les libertés, et à la fois le gouvernement prétend trier le bon média du mauvais média: il y en a qui font de la désinformation et de l’intox. Quand on regarde bien les choses, pour eux, l’intox commence dès que l’on émet un avis un petit peu critique et que l’on débat.»
Didier Maïsto, président de Sud Radio, se réjouit ainsi de la suppression le 5 mai dernier, sur le site du gouvernement, du service controversé «Désinfox coronavirus», une rubrique qui recensait des articles de «fact-checking» sur le Covid-19 provenant des médias Franceinfo, Libération, 20 Minutes, Le Monde et l'Agence France-Presse. Dénoncée comme liberticide, l’initiative avait soulevé un tollé auprès de la plupart des rédactions françaises, le SNJ (syndicat national des journalistes) ayant même saisi en référé le Conseil d’État.
À l’occasion de la récente publication de son livre Passager clandestin (Ed. Au Diable Vauvert), Sputnik a interrogé le journaliste sur la crise sanitaire, les responsabilités de l’exécutif et la revalorisation des Gilets jaunes «au front» face au Covid-19.
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Exprimée par sa porte-parole Sibeth Ndiaye, la volonté du gouvernement permettait «de se fier à des sources d’information sûres et vérifiées» face à la «propagation de #fakenews» alors que l’exécutif n’est lui-même pas en reste. À propos du «mensonge d’État des masques», comme l’affirme le journaliste, le ministre de la Santé Olivier Véran a estimé qu’il s’agit simplement d’une «réévaluation de la doctrine».
«On ne peut pas dire qu’on ait bien géré cette crise»
Ne s’embarrassant pas d’euphémismes, Didier Maïsto n’y va pas par quatre chemins pour qualifier la communication du gouvernement depuis l’arrivée de l’épidémie.
«On a été tout au long du processus, quand le coronavirus s’est déclaré, dans un mensonge d’État permanent dont un des porteurs a été Jérôme Salomon.»
Alors que la France compte 25.809 victimes du coronavirus au 7 mai, celle-ci se prépare à un déconfinement progressif dès le 11 mai. Pour le journaliste, «on ne peut pas dire qu’on ait bien géré cette crise», celui-ci remarquant que les pays ayant appliqué une politique de confinement des plus draconiennes comme l’Italie, l’Espagne ou la France «sont en tête par million d’habitants pour les personnes contaminées et le nombre de morts».
Si d’un côté, il fustige le gouvernement, de l’autre, Didier Maïsto évoque largement le rôle des Gilets jaunes qu’il juge déterminant dans la lutte contre la pandémie.
«Je suis un peu mal à l’aise face aux applaudissements à 20h»
Il s’inspire ainsi de la thèse développée dans Le Figaro par Jérôme Fourquet, de l’IFOP, qui met en exergue la coïncidence sociologique entre ceux qui continuent à travailler, «aides-soignants, infirmiers et infirmières, caissières, éboueurs, TPE, artisans et routiers», et le mouvement des Gilets jaunes. Malgré le confinement, ceux-ci ont fait en sorte que le pays «continue de fonctionner pour les besoins essentiels».
«J’ai expliqué qu’un jour, les Gilets jaunes, à la faveur d’une crise, seraient les héros de la nation. Je ne pensais pas que cela arriverait aussi vite. On les a appelés ‘’les premiers de tranchée’’. Il y a un peu d’hypocrisie quand même, je suis un peu mal à l’aise face aux applaudissements à 20h, tout le monde s’exonère à bon compte. C’est comme après un attentat, on dépose des bougies et on écrit des livres en disant que ‘’vous n’aurez pas ma haine’’.»
Fait plutôt rare parmi les patrons de presse, Didier Maïsto est de nombreuses fois allé sur le terrain, marcher aux côtés des Gilets jaunes pour expliquer au mieux leur combat. Devenu proche notamment de Jérôme Rodrigues, invitant en studio Maxime Nicolle et Priscillia Ludosky, il a permis à Sud Radio de devenir un des médias les plus en vogue auprès du mouvement de contestation.
Il débute d’ailleurs son livre en partageant un texte écrit d’une traite le 14 décembre 2018, intitulé «Je suis vulgaire comme un Gilet jaune», où il clame sa passion pour le mouvement.
«J’ai voulu être le témoin rigoureux et permanent de ce qui se passait au sein du mouvement et de la répression d’État, tout à fait inédite depuis la guerre d’Algérie, dont auront été victimes ces gens et leur famille, des arrestations arbitraires, du zèle des parquets et des magistrats.»
Il ne tente même pas de cacher ses opinions politiques, ne rougissant pas devant le qualificatif de «souverainiste» et se souvenant du discours «magnifique» de Philippe Séguin à la tribune de l’Assemblée nationale en 1992, «qui expliquait ce que nous obtiendrions en votant pour Maastricht. Il aura eu raison du début à la fin».