La collaboration militaire franco-allemande prend à nouveau l’eau.
Un autre programme commun est mis à mal, alors que des voix s’élèvent pour mettre un terme au développement du système de combat aérien du futur (SCAF) face aux «revendications fantaisistes» de Berlin et que des blocages se font également ressentir du côté du char de combat du futur (MGCS).
L’Allemagne pourrait ainsi acquérir auprès des États-Unis cinq avions de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine. Des P-8A Poseidon et un Boeing 737-800ERX militarisé, en remplacement de ses Lockheed P-3C Orion vieillissants.
Le couple franco-allemand de la Défense encore mis à mal
Dans une note adressée au Congrès et repérée par le site Opex360, l’agence chargée des exportations d’équipements militaires américains (la DSCA, pour Defense Security Cooperation Agency) a informé les parlementaires du feu vert octroyé par le Département d’État à cette transaction. Un contrat estimé à 1,77 milliard de dollars pour les appareils et leur équipement.
«Ce projet de vente viendra appuyer la politique étrangère et la sécurité nationale des États-Unis en améliorant la sécurité d’un allié de l’Otan qui est une force importante pour la stabilité politique et économique en Europe», justifie la DSCA dans sa note au Congrès des États-Unis.
Si cette transaction ferait les affaires de Boeing et de Washington, elles ne font clairement pas celles de Paris. En effet, cette acquisition remettrait en cause la collaboration espérée par Paris. Fin avril 2018, lors de son déplacement à Berlin afin de poser les bases du SCAF, Florence Parly ministre de la Défense, avait également signé avec son homologue allemande d’alors, Ursula Von der Leyen, une lettre d’intention pour le développement conjoint d’un avion de patrouille maritime.
Baptisé MAWS (pour Maritime Airborne Warfare System), il s’agissait alors pour la France et l’Allemagne de trouver un successeur commun aux Atlantique 2 (ATL-2) de la Marine nationale et aux P-3C Orion de la Marineflieger. L’Allemagne avait d’ailleurs déjà acheté ces derniers d’occasion auprès des Pays-Bas, afin de remplacer ses ATL-1 de conception française.
Une simple divergence d’agenda?
Cependant, le programme a pris du retard, en raison de blocages outre-Rhin, mais également du retrait de Dassault Aviation, mécontent de ne pas avoir obtenu la maîtrise d’œuvre du programme. Espérées fin 2019, les études ne furent lancées qu’au dernier trimestre 2020. Par ailleurs, en juin 2020 l’Allemagne revoyait à la baisse la durée de vie de ses P-3C Orion, envisageant leur remplacement à l’horizon 2025 et non plus 2035.
Quoi qu’il en soit, l’idée même que Berlin puisse à nouveau opter pour du matériel américain fait grincer des dents à Paris. Le journaliste Michel Cabirol, spécialiste des questions de Défense à La Tribune, s’interroge même sur la volonté de Berlin de «dynamiter» sa coopération avec la France.
Du côté de Ouest France, en revanche, on tente de rester optimiste. Philippe Chapleau souligne cette divergence d’agendas concernant le renouvellement des avions de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine de part et d’autre du Rhin, ainsi que sur le nombre de Poseidon que l’Allemagne songe commander aux Américains (cinq appareils contre huit P-3C à remplacer). Le journaliste s’interroge donc sur la possibilité que Berlin laisse finalement la porte entrouverte au programme MAWS pour une future commande.