Le premier débat présidentiel américain s’est tenu le 27 juin sous les yeux du monde rivés sur les deux protagonistes de la politique américaine des dernières années, avec une attention toute particulière, vu les enjeux en cours et les répercutions qui auront lieu dès le jour des élections présidentielles américaines, le 5 novembre 2024, sur l’échiquier mondial plongé dans les plus grands troubles depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Le temps depuis les derniers débats qui ont eu lieu en 2020 entre les deux candidats dans la course à la Maison Blanche a bien laissé son empreinte sur les rivaux. Surtout sur le président sortant Joe Biden, ce qui était fort visible, malgré les remontants que ce dernier a très certainement pris avant sa sortie de scène, vu son âge très avancé.
L’équipe de Joe Biden n’a pas trouvé de meilleure parade pour justifier l’état de détérioration physique et mentale avancée de leur leader qu’en faisant passer un message dans les coulisses des débats sur la mauvaise forme du président due à un rhume, dont il souffre depuis quelques jours.
Selon la majorité des analystes américains et étrangers, la prestation de Joe Biden est jugée catastrophique et a enfoncé le clou dans le cercueil du futur politique de l’octogénaire. Le républicain Donald Trump remporte les débats haut la main face au porteur des espoirs du camp démocrate américain.
Trump - l’accusateur
Le niveau général du débat entre les deux candidats à la plus haute fonction au sein de la première puissance mondiale a atteint un nouveau record de médiocrité. Un record qui reflète parfaitement le niveau professionnel et moral lamentable de l’ensemble de la classe politique du monde Occidental avec les Etats-Unis d’Amérique en berger du troupeau.
Mais, je laisse aux autres le soin de décortiquer les nombreux éléments soulevés durant les discours et le niveau d’argumentaire des adversaires, en me concentrant sur l’élément principal vis-à-vis des menaces que le monde encourt à l’avenir immédiat : celui de la guerre en Ukraine.
Le candidat Donald Trump se positionne depuis bientôt deux ans et demi en tant qu’homme politique capable d’arrêter cette guerre dès son retour au pouvoir. Voyons ses déclarations durant le débat.
Trump accuse en force : « Il (Biden) n’a rien fait pour arrêter la Russie […] Il (Poutine) n’aurait jamais envahi l’Ukraine, jamais, jamais dans la vie (si j’étais président) […] Le monde entier est en train de s’exploser sous Biden ».
« La Russie, ils ont pris beaucoup de terres sous Obama, sous Buch, sous Biden. Elle n’a rien pris sous Trump. Elle savait qu’elle n’avait pas de marge de manœuvre (face à moi). Je me suis très bien entendu avec lui (Poutine) […] il savait que je suis quelqu’un de sérieux. Il ne m’a rien pris comme territoire européen – maintenant il va tout prendre avec ce président (Biden) qu’on a. Ca - c’est une guerre qui n’aurait jamais dû commencer, jamais. Elle n’aura pas commencé avec moi. Et il (Poutine) va prendre l’Ukraine […] C’est lui (Biden) qui nous a laissé dans une aussi mauvaise posture avec l’Ukraine et la Russie. Par ce que l’Ukraine n’est pas en train de gagner la guerre ».
Trump se moque, ensuite, de Biden en reprenant ses paroles « Je ne vais jamais permettre cela ! » et en martelant : « Ils (ukrainiens) manquent de soldats. Ils ont perdu tant de gens […] A cause de lui (Biden) et de ses décisions ridicules. La Russie n’aurait jamais attaqué si j’avais été président ».
Sur la question du modérateur de débat, si les termes de Poutine (de l’accord de paix proposé par Moscou, le 20 juin dernier) sont acceptables, Donald Trump répond : « Non, c’est inacceptable. Mais, écoutez : c’est une guerre qui n’aurait jamais dû commencer […] il (Biden) a donné deux cents milliards ou plus à l’Ukraine […] l’argent que nous dépensons sur cette guerre – nous ne devrons pas le dépenser. Moi, je vais régler cela entre Poutine et Zelensky, en tant que président élu, avant même de prendre le pouvoir le 20 janvier (le jour de l’investiture du président américain en 2025) ».
Trump - le faiseur de paix
Quelles sont les réelles perspectives de la politique américaine vis-à-vis du conflit en Ukraine, en cas du retour de Donald Trump au pouvoir ?
Sans entrer dans les spéculations sur l’hypothétique présent de l’Ukraine, au cas où Trump aurait été vainqueur des élections présidentielles de 2020, il est, néanmoins, à noter qu’étant parfaitement juste et lucide au niveau de sa critique prononcée sur le rôle néfaste de l’administration Biden vis-à-vis de la paix dans le monde et, notamment en Ukraine - le candidat républicain Trump reste parfaitement superficiel et populiste vis-à-vis de ses réelles capacités personnelles à arrêter le conflit.
D’une part, l’importante réduction du soutien militaire et financier à l’Ukraine par son principal sponsor que sont les Etats-Unis n’a rien à voir avec Donald Trump et ses souhaits déclarés, mais elle est conditionnée par toute une série d’éléments de la conjoncture américaine et mondiale. Sans parler que les aides déjà planifiées et accordées à Kiev ne seront, en aucun cas, coupées du jour au lendemain, même si ce dernier accède au bureau ovale de la Maison Blanche.
D’autre part, l’unique condition pour que la parole de Trump soit audible et digne du moindre intérêt à Moscou, c’est celle de l’acceptation par Kiev poussé par Washington des conditions de l’accord de paix que la Fédération de Russie a dernièrement formulé. Si la position de Trump face aux russes et leurs revendications sera celle proclamée durant les débats face à Biden - « Non, c’est inacceptable » - son poids dans les futures négociations de paix ne sera guère supérieur à celui du pseudo « sommet pour la paix » qui s’est tenu en Suisse ce mi-juin et qui s’est avéré un fiasco total pour Zelensky et ses soutiens.
Par ailleurs, malgré le rôle de « faiseur de paix » que monsieur Trump s’est endossé, nul ne doit perdre le sens de la réalité et oublier le rôle réel qu’il a eu dans l’escalade du conflit en Ukraine qui s’est traduit dans des paroles que ce dernier a tenu durant le débat présidentiel face à Biden, quatre ans auparavant, en 2020 : « … Personne n’a été aussi fort que moi face à la Russie […] Lui (Biden) vendait des oreillers et des draps - moi, j’ai vendu des tanks à l’Ukraine ».
Trump - le surfeur sur la vague de fatigue de l’Occident
En ce qui concerne le temps accordé à la problématique de la guerre en Ukraine - il est tout à fait révélateur de la courbe descendante en défaveur de Kiev et ceci est toujours sans aucun rapport avec Donald Trump.
Dans le débat présidentiel de ce 27 juin qui a duré 1h30 précisément, la question ukrainienne n’a pris que 8 minutes et 5 secondes en tout. C’est-à-dire, moins de 9% du temps de la discussion.
Initialement, une seule question sur la guerre en Ukraine était prévue par les modérateurs de l’événement diffusé par la chaine de télévision CNN – chaine-clé de la propagande du parti démocrate américain. Chacun des candidats était censé apporter sa réponse en 120 secondes respectivement. Soit, seulement 4 minutes sur une heure et demie de confrontation des candidats ont été accordées à la question qui est, pourtant, de très loin le sujet numéro un depuis plus de 2 ans sur la scène politique internationale.
Seules les petites attaques répétées tout au long du débat par Trump sur Biden ont fait doubler ce temps. À chaque fois, les retours au problème ukrainien n'ont eu lieu qu'à l'initiative de Donald Trump. Soit, le camp des démocrates américains avec Joe Biden en tête de gondole, ce camp qui est directement coupable de l'existence du conflit armé sur le territoire de l'Europe et qui a mis le monde au bord de la 3e guerre mondiale - n’a pas considéré que le sujet méritait une réponse qui dépasse les 120 secondes.
En ce qui concerne les paroles de Joe Biden - nul intérêt à détailler les répliques de ce dernier sur les piqûres de Trump. Des répliques qui se sont limitées à la répétition des slogans habituels sur le danger imminent de l'invasion de l'Univers par Moscou, en commençant par la Pologne, si Poutine n’était pas arrêté sur le sol ukrainien.
Bien que le monde se situe au plus proche que jamais du déclenchement de la 3ème guerre mondiale et du réel danger de l’utilisation des armes nucléaires, le temps accordé au conflit en Ukraine durant ce premier débat présidentiel américain est bien plus évoquant et révélateur que les paroles, quelles qu’elles soient, de Trump et de Biden sur le sujet : ce n’est nullement le sujet qui intéresse les Américains en premier lieu. Le camp occidental dirigé par les Etats-Unis est fatigué de l’Ukraine et veut de moins en moins en attendre parler. Les espoirs d’écraser la Russie en deux temps trois mouvements sont passés dans le néant et les électeurs occidentaux devant leurs postes de télé souhaitent passer à autre chose.
La préparation de l’inhumation du régime ukrainien
Comme je l’ai déjà soulevé dans mon analyse « La guerre en Ukraine : la genèse », cela fait un an et demi, bien avant le début de la fameuse offensive ukrainienne qui devait renverser et faire fuir les troupes russes, « au moment venu, quand le pouvoir américain considérera que le « retour sur investissement » dans la guerre en Ukraine est suffisant ou bien quand il fera le constat que la probabilité à atteindre le seuil de satisfaction est trop faible – il abandonnera le régime de Kiev. Abandonnera de la même manière que le régime afghan de Ghani a été abandonné et les kurdes en Irak et en Syrie ont été abandonnés après avoir accompli, partiellement, les missions qui leurs ont été attribuées par l’Amérique, contre la promesse de la création d’un état kurde. La promesse qui n’engageait que ceux qui l’écoutaient ».
Ce moment est en train d’arriver. L’Ukraine, qui n’a été utilisé qu’en tant qu’outil périssable de l’affaiblissement de la puissance russe, dont pas la seule, mais l’une des principales missions était la destruction des relations économiques entre la Russie et le premier concurrent commercial sur les marchés mondiaux des Etats-Unis d’Amérique qui n’est personne d’autre que l’Union Européenne - cette Ukraine a accompli sa tâche et il est temps pour les Américains de clore le projet.
Ainsi, les réelles négociations de paix qui auront lieu, ne seront nullement celles entre Moscou et Kiev, mais celles invisibles entre Moscou et Washington - peu importe si le futur locataire de la maison Blanche sera Donald Trump, Joe Biden ou un autre. Ces négociations mettront en place les nouvelles fondations de l’architecture de la sécurité globale entre la Russie et les Etats-Unis. Les fondations lesquelles, entre autres effets majeurs, inhumeront le régime actuellement au pouvoir à Kiev.
Oleg Nesterenko
Président du CCIE (www.c-cie.eu)
(Ancien directeur de l’MBA, ancien professeur auprès des masters des Grandes Ecoles de Commerce de Paris)