Nous fonçons vers les abysses des finances publiques : l’État, les collectivités et la Sécurité sociale ont dépensé sans compter, et nous nous dirigeons vers 180 milliards de déficit public en 2024. Avec un déficit qui risque de dépasser les 6 % du PIB, la France renoue avec une situation budgétaire de crise (6,6 % en 2021).
Au lieu de dresser la liste des économies à réaliser, nos décideurs préfèrent solliciter les entreprises et les ménages qui travaillent, leur demandant d’aider en urgence à payer l’addition. Et cela sans même mentionner les efforts de réduction des dépenses envisagés ?
Quelles seront les économies, quel sera le calendrier, quelles seront les mesures et les estimations budgétaires ? Plutôt que de se frotter les mains et d’appuyer déjà sur le bouton des prélèvements obligatoires avant que les travailleurs et les entreprises n’aient le temps de réagir, Bercy devrait adresser au Medef, à la CPME, à l’U2P, au Meti et à tous les autres représentants de nos entreprises une liste précise des réductions de dépenses.
C’est maintenant que nos créateurs de richesse doivent peser pour exiger de véritables garanties. Comment accepter le principe de payer davantage alors que le discours de politique générale n’a pas encore été prononcé par le Premier ministre devant le Parlement et que les détails du projet de loi de finances 2025 restent inconnus ? Ce serait très risqué.
Pour s’assurer de ne pas être floués par Bercy, les représentants des entreprises de France devraient expliquer qu’ils gèlent leurs investissements et leurs embauches tant que les efforts de réduction des dépenses publiques pour 2025, 2026 et 2027 ne sont pas clairement définis… Une sorte de grève larvée des entreprises.
Les entreprises aussi en droit d'exiger des contreparties
Dans un pays où la CGT et d’autres syndicats usent et abusent du levier de la grève, il ne serait pas indécent que les entreprises utilisent ce même levier pour garantir qu’il y aura effectivement des économies sur les dépenses publiques, et non pas seulement des hausses d’impôts. Pour une fois, nos entreprises exigeraient de véritables contreparties avant d’accepter de financer avec leurs deniers les services publics et les impôts les plus élevés d’Europe.
Souvenons-nous… Dès qu’une mesure favorable à l’investissement ou au capital est proposée, nos parlementaires s’empressent de réclamer des contreparties. Combien de fois n’avons-nous pas entendu ce mot dans l’hémicycle et lors des campagnes électorales ? Contreparties pour le CICE, contreparties pour le pacte de responsabilité, pour le crédit d’impôt recherche, pour les baisses de charges...
Nos entreprises n’expliquent pas suffisamment que, lorsque la confiance est rompue et que les contraintes deviennent insupportables, les décisions d’embauche et d’investissement sont reportées, voire annulées, ce qui plombe la croissance et donc les recettes fiscales et sociales, aggravant ainsi le déficit public.
C’est un peu ce qui s’était passé sous la présidence de François Hollande, lorsque le président avait augmenté les impôts tous azimuts. Face à un horizon fiscal assombri, les entreprises avaient spontanément gelé les embauches et les investissements.
C’est aussi en partie ce qui se passe depuis la dissolution. Pudiquement, le nouveau ministre des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, a évoqué cela lors de son audition devant la commission des Finances de l’Assemblée sous le terme « d’attentisme des acteurs économiques ». Nos entreprises, en première ligne de l’économie française, ont dû faire face à une succession de crises. Ne surestimons pas leur résilience. N’ajoutons pas encore à leur fardeau fiscal déjà exorbitant.
Les entreprises ne font jamais grève, car elles ont le sens de l’intérêt général ? Certes, mais l’intérêt général n’est-il pas aujourd’hui d’engager d’urgence des économies sur nos dépenses somptuaires ?