Pour sortir de sa dépendance au gaz russe, l'Allemagne envisage de réactiver 15 centrales à charbon. Ce pays a adopté une stratégie anti-nucléaire, non sans le dessein de contrecarrer les intérêts français, et au prix d'un désastre écologique, selon l'expert en politique énergétique Fabien Bouglé.
Il est primordial de rappeler que l'Allemagne est très dépendante du gaz, du pétrole et du charbon qui représente 66 % de sa consommation d'énergie primaire. De plus environ 47% de son électricité a été produite en 2021 à partir d'énergie fossile.
Bref notre voisin est particulièrement gourmand en gaz et en charbon très polluant qui provient pour plus de 50% de Russie. Afin de pallier cette dépendance trop importante les Allemands font donc le choix -paradoxal pour le climat- de s'entêter dans la sortie du nucléaire tout en augmentant les capacités des centrales au charbon qui avaient été mises en sommeil.
Au mois de mars, Robert Habeck, le même ministre de l'Économie, avait bien envisagé de reporter la sortie du nucléaire mais la coalition au pouvoir qui comprend des Verts extrémistes , a préféré appuyer sa politique sur son électricité au charbon.
D'ailleurs, avant même la guerre en Ukraine, l'Allemagne avait déjà, en 2021, été dans la nécessité d'augmenter la production des centrales électriques au charbon de 22% en raison de la baisse de 15% de la production éolienne. Ce qui avait contribué à démarrer ce choc gazier et fossile que nous connaissons actuellement.
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Tout récemment, le gouvernement a annoncé la construction en mer du Nord de terminaux flottants de gaz naturel liquéfié permettant de réceptionner le gaz de schiste provenant notamment des États-Unis.
Quelles pourraient être les conséquences environnementales de cette décision ?
Elles sont considérables pour le climat et l'environnement. Le besoin en charbon ou même en lignite conduit l'Allemagne à développer ses extractions sur son territoire avec des mines qui s'étendent de plus en plus allant jusqu'à engloutir des villages entiers. Des manifestations anti-charbon de villageois sont actuellement organisées pour contester la disparition pure et simple de leur village menacé par l'extension des mines.
Mais le pire vient du bilan carbone désastreux des centrales électriques au charbon qui produisent environ 1.000 g de CO2 / kWh produit là où une centrale nucléaire ne produit que 6 g de co2/kWh produit. C'est l'énorme paradoxe environnemental de cette décision.
L'Allemagne qui avait déjà le bonnet d'âne en Europe pour ses émissions records de gaz à effet de serre va être un acteur majeur en Europe de la dégradation du climat et continuer d'être le très mauvais élève de l'Union Européenne et du monde. Et ce sont des prétendus écologistes qui soutiennent ce modèle pour le moins désastreux pour la planète!
En plus du CO2 les centrales au charbon émettent une quantité importante de particules fines contenant mercure, uranium et des substances très dangereuses pour la santé humaine. Il a été calculé que pour un 1 tWh d'électricité au charbon produit il y avait a minima 100 tonnes de particules fines évacuées dans l'atmosphère.
L'Allemagne s'est récemment opposée à la «taxonomie verte», le texte européen qui classe le nucléaire parmi les énergies de transition. Pourquoi ?
Dans ce contexte l'Allemagne ne veut absolument pas que la France tire son épingle du jeu avec son avantage nucléaire qui assure à notre pays une électricité bon marché et surtout non polluante.
Elle multiplie pour se faire les actes belliqueux à l'égard de notre pays sur le sujet, n'hésitant pas à dénigrer le nucléaire auprès de la commission européenne en souhaitant empêcher son intégration dans la liste appelée «taxonomie» des activités reconnues comme verte en Europe.
Sous prétexte que la France aurait 44.000 m3 de déchet radioactifs à traiter elle souhaite détruire le nucléaire français alors qu'elle disperse ses déchets de centrales au charbon dans l'air européen. Un comble.
De nombreux lobbyistes ont été installés par notre voisin à Bruxelles pour empêcher la France de développer et de financer sa nouvelle génération de centrales nucléaires. L'Allemagne se met en ordre de bataille. Tout récemment elle a nommé Jennifer Morgan, américaine tout juste naturalisée allemande à cette fin et patronne de Greenpeace monde, secrétaire d'État des Affaires étrangères pour la politique climatique internationale.
Dans quel but ?
La baisse du nucléaire français est un objectif prioritaire de l'Allemagne pour de nombreuses raisons. Tout d'abord dans la mesure où la diminution de notre parc nucléaire nous oblige à trouver des alternatives comme les éoliennes couplées au fossile.
Comme l'Allemagne a installé 65% des éoliennes en France et qu'elle détient 45% des sociétés d'exploitations d'éoliennes dans notre pays, elle a en quelque sorte pris le pouvoir -chez nous- de notre production d'électricité. Avant la fermeture de Fessenheim, nous exportions 12 tWh d'électricité propre à nos voisins, depuis nous sommes contraint d'importer 12 tWh d'électricité sale.
Alors que le nucléaire assure à la France une électricité bon marché et assure à la France sa compétitivité industrielle, baisser le nucléaire français et contraindre notre pays à s'intégrer dans le marché européen de l'électricité augmente de facto notre facture électrique des ménages et des entreprises et baisse notre compétitivité vis-à-vis de pays concurrents.
Enfin le nucléaire assure à la France une plus grande autonomie énergétique contribuant à sa souveraineté politique et économique. Et l'Allemagne ne peut le supporter.
Les lobbyistes favorables aux éoliennes intermittentes allemandes sont très actifs envers les autorités politiques et administratives françaises, ainsi que les grandes entreprises énergétiques. Et peu de nos concitoyens semblent avoir conscience de cette situation.
La situation est intenable et conduit à des décisions qui vont à l'encontre des intérêts supérieurs de la nation. Vouloir continuer à installer des éoliennes allemandes sous prétexte que les nouveaux réacteurs nucléaires sont trop longs à construire est une erreur géopolitique majeure. La France a de nombreux atouts et ne doit pas se laisser faire.