L'accord de partenariat économique (APE) signé le 18 décembre 2023 entre l'Union européenne et le Kenya a été salué, à juste titre, par tous les experts engagés pour le développement de l'Afrique, parce qu'il s'intègre dans une stratégie juste et respectueuse par opposition au pillage systématique du continent africain par la Chine.
En effet, William Ruto, le président du Kenya, fait le choix de l'Occident, dès son arrivée au pouvoir en septembre 2022, de délaisser le partenariat entre son pays et la Chine.
La coopération bilatérale entre ces deux pays avait permis d'inscrire le Kenya dans le gigantesque projet de route de la soie lancé par la Chine. Le développement des infrastructures sera encouragé et Pékin n'hésitera pas à investir de façon colossale dans le transport ferroviaire et la construction de route. En 2023, la dette du Kenya envers la Chine s'élevait à 6,3 milliards de dollars, ce qui représente 64 % de l'endettement bilatéral du pays. C'est énorme, quand on sait que le pays présente un budget 2024 estimé à 26 milliards de dollars. Au total, la dette publique du Kenya s'élevait à 64,4 milliards de dollars au premier semestre 2023 et le coût du service de cet endettement excessif, notamment vis-à-vis du créancier chinois, a provoqué l'effondrement de la monnaie locale (le shilling) et installé une crise économique aux conséquences désastreuses sur des populations déjà victimes d'une situation géopolitique internationale défavorable, avec la baisse du tourisme, suite à la pandémie sanitaire, et le choc des exportations agricoles, suite au conflit en Ukraine.
C'est donc dans ce contexte que William Ruto va choisir de développer le partenariat avec l'Union européenne et relancer les négociations en sommeil depuis 2014. Elles vont aboutir, en décembre 2023, à la signature d'un accord garantissant aux produits kényans un accès libre de droits et sans quotas au marché de l'Union européenne, même si cet accord n'est pas encore ratifié par les Parlements européen et kényan. Il est important de préciser que sur le plan économique, il est largement à l'avantage du pays est-africain, et tant mieux pour lui.
En dehors de l'Afrique, le Kenya exporte essentiellement vers deux pays, le Royaume-Uni pour le thé et les Pays-Bas, donc l'UE, pour les fleurs. Le secteur agricole kényan sera donc le principal bénéficiaire de cet accord de partenariat économique signé avec l'UE.
Là où le bât blesse dans cet accord, c'est que vu d'Europe, on a le sentiment que les conséquences économiques pour les opérateurs et autres intervenants concernés par ces importations n'ont absolument pas été évaluées.
La bureaucratie « bruxelloise » arguera que les fleurs sont des produits à faible valeur ajoutée et elle minimisera l'impact de l'importation de ces denrées agricoles sur notre économie.
Sauf que dans la vraie vie, le Kenya est le quatrième producteur mondial de fleurs coupées, il exporte la variété de roses la plus répandue chez les fleuristes en Europe. Dans la vraie vie, la rose du Kenya coûte en production 20 centimes et, à titre de comparaison, la rose produite en France 40 centimes ; les deux roses seront revendues au même prix, un euro...
Comment un producteur de fleurs en UE peut-il tenir, face à une telle concurrence ?
En France, le marché de l'horticulture est très dynamique et les résultats économiques sont constamment en hausse, mais malgré tout, le nombre d'exploitations horticoles a baissé de 51 % en dix ans, conséquence des lois liées à l'environnement et des transpositions zélées de normes européennes.
L'accord signé avec le Kenya va finir d'achever un secteur qui se porte bien mais ne peut plus suivre, face à une concurrence déséquilibrée dans la production.
C'est ce paradoxe qui est aujourd'hui dénoncé par nos agriculteurs, à qui l'Union européenne demande de produire plus et mieux mais tout en ouvrant les frontières à des productions étrangères dont on ne peut avec assurance confirmer le respect des règles de conformité...
L'UE, cet Ouroboros qui s'ignore, va finir par s'avaler toute seule.