Après l’Assemblée nationale le 14 octobre, le Sénat a le 22 octobre, à son tour, rejeté le « projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation [ou plutôt ici « désapprobation »] des comptes de l’année 2023 ».
C’est la troisième année consécutive que le Parlement rejette les comptes de l’État. L’absence de loi d’approbation des comptes ne pose certes que des problèmes d’ordre technique, à l’exclusion donc de conséquences à proprement parler financières. L’examen de ce projet de loi est obligatoire, mais son adoption n’est pas nécessaire.
Des solutions comptables ont d’ailleurs été trouvées après le rejet des projets de loi correspondant aux exercices des années 2021 et 2022. Et des solutions seront à nouveau trouvées après le rejet du texte pour l’exercice 2023.
Entre 2022 (126 Md€) et 2023, le dérapage aura été très substantiel : 28 Md€
Ce texte a le mérite, quelle que soit l’issue du vote du Parlement, de fournir une photographie comptable de la gestion publique. Or l’an dernier, le déficit de l’ensemble des administrations a atteint 154 Md€, soit 5,5 % du PIB (au lieu des 5 % attendus en loi de finances initiale). Entre 2022 (126 Md€) et 2023, le dérapage aura été très substantiel : 28 Md€. En dehors des périodes de crise et aussi loin que l’on remonte dans les données de l’Insee, c’est un record – record qui sera néanmoins battu dès l’exercice 2024 !
Certes, le trou entre l’exécution et la prévision est d’abord fiscal : les recettes de prélèvements obligatoires ont ainsi été inférieures aux estimations d’environ 21 Md€, essentiellement du fait de l’IS et de la TVA (dont les recettes ont été minorées par la décrue de l’inflation) sans qu’aucun grand impôt ne soit totalement épargné. Mais si le déficit est une fois de plus aussi élevé, c’est surtout parce qu’aucun effort structurel en matière de dépenses publiques n’est venu compenser la chute des recettes.
Malgré la fin de dispositifs exceptionnels de crise et de relance, les dépenses nettes du budget général de l’État ont même cru de près de 2 Md€. En bref, les dépenses exceptionnelles ont été plus que remplacées par des dépenses courantes.
Les mauvaises nouvelles en matière de rentrées fiscales, qui résultent également d’une médiocre élasticité de nos prélèvements obligatoires, devraient nous alerter : il semblerait que nos marges de manœuvres fiscales soient limitées, et il se pourrait que nous ayons déjà atteint, et même dans certains cas franchi, les taux optimaux de taxation au-delà desquels le rendement de l’impôt diminue.
Concernant les hausses d’impôt sur les sociétés – et, dans une moindre mesure, d’impôt sur le revenu – prévues dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, nous ne sommes d’ailleurs pas à l’abri de mauvaises surprises supplémentaires dans les mois et les années à venir. Attention, par conséquent, à ne pas demander à l’impôt plus qu’il ne peut fournir !
Le signal d’alerte est d’autant plus strident que la décrue de l’inflation va mécaniquement entraîner un effet « boule de neige » défavorable sur la croissance du PIB nominal, donc sur le ratio d’endettement public, à l’heure où nous allons devoir emprunter toujours plus pour financer nos déficits.