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david MIEGE
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20 mars 2021 00:40

La Cour des comptes a publié un long rapport dans lequel elle déplore l’absence de dispositifs d’anticipation pour l’épidémie de Covid-19 de la part de l’État. Une «faible anticipation de la crise» qui explique en grande partie la saturation des hôpitaux français et les mesures de confinement et de reconfinement.

Gouverner, c’est prévoir. Au regard du rapport annuel publié par la Cour des comptes ce jeudi 18 mars, le gouvernement n’a pas vraiment gouverné. Des services de soins critiques «mal préparés» face au Covid-19 et nécessitant des «réformes structurelles» en profondeur: c’est à peu de choses près le constat dressé par les Sages de la rue Cambon. Un rapport un peu spécial puisqu’il précède l’annuelle évaluation de la situation des finances publiques qui a été reportée d’un mois. L’heure est donc à la mise à jour des «premiers enseignements» sur «les effets concrets et la gestion opérationnelle» de la crise sanitaire.

«Si la mobilisation sans précédent du secteur des soins critiques durant la crise a permis de faire face à l’urgence, avec cependant des conséquences à long terme inconnues en matière de santé publique, ces services étaient mal préparés à affronter une telle situation», peut-on lire dans le rapport.

Tout y passe, en particulier les services de réanimation et, plus largement, l’ensemble des soins critiques. La surcharge de ces derniers a pour une grande part conditionné les prises de décision du gouvernement. À savoir, «non seulement le fonctionnement des systèmes de santé, mais aussi la vie économique et la vie sociale dans leur ensemble, et même les libertés publiques», rappelle l’institution.

​Dernier exemple en date: le dépassement du taux d’incidence de 400 ajouté à la saturation des services de réanimation d’Île-de-France a déterminé le Premier ministre à prendre des mesures de reconfinement pour 16 départements français.

Les services hospitaliers pris au dépourvu

L’impréparation de l’État explique, selon la Cour des comptes, l’incapacité des services hospitaliers à gérer l’arrivée massive de patients au mois de mars 2021. Une «rupture brutale» qui a fait bondir, entre le 18 et le 26 mars 2020, le nombre d’entrées quotidiennes (+65,3%). La capacité des services de réanimation a alors doublé, faisant passer le nombre de lits de 5.080 au début de 2020 à 10.707 au 15 avril de cette même année.

Une «forte capacité de mobilisation» qui doit néanmoins pousser les pouvoirs publics à revoir un système d’accueil inadéquat en raison d’une population vieillissante qui constitue «pourtant près de deux tiers des malades hospitalisés» en réanimation, précisent les Sages.

«Le vieillissement de la population a d’ores et déjà un impact sur le profil des patients: ainsi, entre 2013 et 2019, la part des patients admis en réanimation dans la tranche d’âge 65-75 ans est passée de 25% à 30%», soulignent-ils.

Le rapport s’inquiète aussi des «déprogrammations massives» d’opérations chirurgicales «aux conséquences inconnues en matière de santé publique». Au début du mois de mars 2021, l’Agence régionale de santé d’Île-de-France avait par exemple demandé aux hôpitaux concernés la déprogrammation de 40% de leurs activités médicales et chirurgicales dans le but de faire de la place aux patients Covid-19. On se souvient aussi que Axel Kahn, le président de la Ligue contre le cancer, avait fait part de sa grande inquiétude quant au report d’opérations de personnes atteintes de cette pathologie. Il estimait alors que cela provoquerait «des milliers de morts supplémentaires par cancer, dans les cinq ans qui viennent», de personnes «qui n’auraient pas dû mourir».

​Dans ses recommandations, la Cour des comptes fait aussi écho aux différentes revendications du personnel soignant des services de réanimation. Notamment le renforcement des effectifs médicaux et une révision de la formation des infirmiers aux soins critiques.

«La crise sanitaire est intervenue dans un contexte de fragilité structurelle des ressources humaines, avec des tensions sur le recrutement des médecins et un important turnover d’infirmiers qui traduit la difficulté à fidéliser ces personnels et conduit ponctuellement à la fermeture de lits. […] En 2019, la France comptait 298 sites hospitaliers autorisés en réanimation adulte, contre 320 en 2013.»

Au mois de novembre 2019, structuré par le collectif Inter-Urgences, une grève nationale était décrétée pour dénoncer les conditions de travail et les économies dans l’hôpital public. Face à la pression de la rue, Agnès Buzyn, à l’époque ministre de la Santé, annonçait un plan d’urgence au service des hôpitaux publics.

La suppression des lits en question

La disponibilité en lits de réanimation est au centre des polémiques engendrées par la crise du coronavirus. Le gouvernement est accusé d’avoir mené, et de poursuivre, une politique de suppression des lits d’hôpitaux sur tout le territoire dans une logique de rentabilité. Une politique dont le pays paierait aujourd’hui le prix face à des services hospitaliers surchargés contraignant aux mesures sanitaires les plus restrictives afin d’enrayer la circulation du virus.

Au mois d’octobre 2020, Le Canard enchaîné révélait que le nombre de lits de réa en Île-de-France avait chuté depuis mars 2020 de 2.500 places –«très difficilement atteintes», soulignait le palmipède– à 1.700, soit une baisse de 30%. En décembre 2020, le ministre de la Santé Olivier Véran promettait une sortie du «dogme de la réduction des lits».

Une logique de «rentabilité» et d’efficience qui semble perdurer au sein de l’hôpital public, en dépit de la menace constante de saturation.

Le 17 mars dernier, le ministre de la Santé annonçait néanmoins que l’État interviendrait financièrement en faveur de l’hôpital de Nancy, notamment en maintenant 300 postes menacés de suppression. Un établissement qui avait été au cœur d’une polémique au mois d’avril 2020 en raison de la disparition annoncée, au milieu de la première vague, de lits et de personnel soignant dans le cadre du très décrié «comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers» (Copermo). Une révision de la logique de rentabilité appliquée à l’hôpital public? Le doute est permis.

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