«Je suis particulièrement préoccupé par la survie de l’UE, parce que c’est une union incomplète. Elle était en train d’être créée. Mais le processus n’a pas été accompli et cela rend l’Europe exceptionnellement vulnérable.»
La mise en garde est de George Soros. Mais n’aurait-il pas mieux fait de rester dans l’ombre? En alertant sur le risque de disparition de l’Union européenne dans les colonnes du Guardian le 12 mai, le milliardaire a braqué les projecteurs sur lui.
Contacté par Sputnik, Pierre-Antoine Plaquevent, auteur de l’essai Soros et la société ouverte, métapolitique du globalisme (Éd. Retour aux sources), évoque une nouvelle étape dans la stratégie de ce qu’il qualifie de «gouvernance globale». «George Soros, c’est l’émergence d’un acteur politique qui se juge lui-même chargé d’une mission, même s’il n’est pas élu et si les gens se demandent d’où il sort», explique-t-il au sujet du milliardaire qui pilote depuis son Open Society Foundation (OSF) une myriade d’ONG très actives dans le domaine politique, humanitaire, mais aussi dans celui de la fabrique de l’opinion publique via les médias.
«C’est un acteur qui a avancé dissimulé, de façon furtive, pendant des décennies, aux yeux du grand public, et qui désormais a décidé d’émerger de plus en plus. Le problème, c’est sa légitimité à peser sur les grandes décisions, notamment dans les institutions européennes», déplore Pierre-Antoine Plaquevent.
De fait, dans cette longue interview au quotidien britannique, l’homme d’affaires hongrois fustige la décision du 5 mai dernier prise par la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe. La plus haute juridiction allemande avait alors exigé que la Banque centrale allemande cesse d’ici à trois mois d’acheter des emprunts d’État de la zone euro pour le compte de la Banque centrale européenne (BCE), sauf, ont précisé les juges, si cette dernière était bel et bien en mesure de prouver que ces rachats de titres de dette souverains étaient justifiés.
Dans le cas contraire, la Bundesbank serait obligée, du fait même de ce jugement, de cesser son programme d’achats de titres. En clair: l’Allemagne, par la voix de ses juges constitutionnels, s’inquiète toujours autant d’avoir à financer le déficit budgétaire de ses voisins. L’Italie a ainsi accumulé une créance de l’ordre d’un trillion d’euros (1.000 milliards) dans le cadre des rachats de titre de dette par lesBanques centrales nationales sous l’égide de la BCE.
La Cour constitutionnelle allemande fait de la résistance
Pour George Soros, c’est tout simplement une catastrophe. «Le jugement [de Karlsruhe, ndlr] constitue une menace qui pourrait aboutir à la destruction de l’Union européenne en tant qu’institution fondée sur le droit», a-t-il fait valoir dans le Guardian.
Et de poursuivre par un raisonnement quelque peu tortueux: «Précisément parce que [ce jugement] a été rendu par la Cour constitutionnelle allemande, qui est l’institution la plus respectée en Allemagne». Traduire: les institutions nationales historiques, pourtant beaucoup plus directement démocratiques, devraient s’incliner face au droit européen. C’est d’ailleurs le sens de la déclaration le 10 mai de la présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen. «Nous examinons de possibles prochaines étapes allant jusqu’à une procédure pour infraction aux traités européens», a-t-elle prévenu. Et la patronne de l’exécutif européen de faire acte d’autorité:
«Je peux vous le garantir: la politique monétaire dans l’Union relève d’une compétence exclusive, le droit européen prévaut sur le droit national.»
Ainsi, Ursula von der Leyen tance-t-elle la Cour constitutionnelle allemande sans aucun mandat démocratique direct des Allemands eux-mêmes. Pas sûr que Berlin, qui –au rebours de la France– a conservé la prééminence de sa Constitution sur le droit communautaire, apprécie.
Lobbying de milliardaires et confiscation de la démocratie
L’épisode du coronavirus aura-t-il fini de faire tomber les masques? À mesure que l’Union européenne s’enfonce dans la paralysie, sa nature antidémocratique –pour ne pas dire oligarchique– apparaît. À Bruxelles, les groupes de pression ont pris le dessus sur les peuples, selon Pierre-Antoine Plaquevent.
Comme il le pointe dans son ouvrage Soros et la société ouverte, George Soros exerce via sa fondation Open Society, ses ONG et autres think tanks affiliés, un lobbying intense auprès des institutions européennes et de leurs élites. C’est le cas du Parlement européen: le piratage de fichiers internes de l’Open Society Foundation en 2016 avait révélé l’existence d’un document de travail interne intitulé «Reliable allies in the European Parliament» («Alliés fiables [de l’OSF] au Parlement européen»).
Y étaient recensés quelque 226 des 751 députés européens susceptibles de promouvoir les valeurs mondialistes de George Soros, parmi lesquelles un monde sans frontières et une «société ouverte» sans État comme «cadre» de l’exercice de démocratie.
«Le projet de Soros, c’est un mode de gestion de l’humanité par des personnalités non élues. Bill Gates est une sorte de ministre qui s’occupe de la santé sans aucun diplôme en médecine et promeut la vaccination à l’échelle planétaire, George Soros de la philanthropie en faveur des migrants […] C’est une sorte de gouvernement qui passe par-dessus les États», explique Pierre-Antoine Plaquevent.
Autre preuve de l’entrisme tous azimuts de l’OSF, l’ONG European Center for Law and Justice dévoilait une liste de juges de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) ayant des liens avérés avec la galaxie Soros. «C’est vraiment utiliser le droit international pour le détourner et ligoter les États. Ce document sur les juges de la CEDH démontre que l’OSF met ses hommes partout», constate-t-il. Et d’ajouter: «Tout l’enjeu, c’est de savoir quelle va être la forme de l’ordre mondial dans les années à venir.»